d’Land : Quand et comment avez-vous appris que le Mudam comptait démonter votre installation
Chapelle, une commande in situ réalisée pour l’ouverture du musée en 2006 ?
Wim Delvoye : C’était il y a deux semaines, par un très bref courriel de deux ou trois lignes de la part d’un assistant du Mudam : « Pouvez-vous venir pour le démontage de votre Chapelle ? ». Je suis tombé des nues, mais ensuite nous avons appris qu’il y avait déjà eu un article dans la presse. La directrice Suzanne Cotter était injoignable, en voyage à New York. Alors j’ai appelé le vice-président du conseil d’administration (Philippe Dupont, ndlr.), pour lui dire qu’ils ne pouvaient pas juste m’informer, et qu’il fallait réagir à cet article dans la presse, pour éviter que le débat escalade. Mais cet entretien s’est très mal passé, il a été très hostile et m’a tout de suite reproché de faire des menaces, alors que je proposais au contraire plein de solutions pour gérer la communication autour de cette décision.
Savez-vous qui a pris la décision de démonter l’œuvre ? Est-ce la directrice ou le conseil d’administration, ou, comme le laisse entendre un communiqué du musée, la Leir Foundation ?
Je ne sais pas. Les deux peut-être. Je ne suis pas assez dans la réalité luxembourgeoise pour savoir qui joue quel rôle. Mais il me semble que dans la gestion de cette affaire, tout le monde est lâche. Madame Cotter est sans cesse en voyage, je n’ai toujours pas réussi à lui parler. Elle dit dans toutes les interviews qu’elle est pour la continuité, elle parle très bien, mais en réalité, elle fait tout le contraire. Et moi, je suis associé à l’ancienne garde – je vois ce démontage comme une revanche personnelle. Qu’on ne vienne pas me dire que la Leir Foundation a quelque chose à voir là-dedans : eux s’en foutent. Ils donnent de l’argent et c’est tout. Et encore moins, comme l’écrit le Premier ministre (dans sa réponse à une question parlementaire, ndlr), que c’est pour y installer un atelier pédagogique, avec accès à des lavabos et à des toilettes...
Est-ce que, lors de la commande, on vous a dit que c’était une œuvre qui allait rester éternellement ou était-il spécifié qu’elle pourrait aussi être remisée dans les réserves ?
J’ai fait exprès, à l’époque, de choisir un espace dont personne n’avait besoin, justement pour qu’elle puisse rester longtemps. C’était un espace difficile, très petit, avec des coins à 45 degrés. Alors j’ai décidé de faire une chapelle entière, qui est un peu comme un condensé de mon travail : tout y est, la vie, la mort, la religion, l’amour. C’est une œuvre plus grande que moi, plus grande que mon art même. À l’époque, l’architecte IM Pei adorait l’œuvre quand il l’a vue. Et la presse, qui n’aimait pas tellement l’architecture trop léchée de Pei, y voyait même un commentaire de cette architecture. La direction d’un musée est libre de faire ce qu’elle veut, mais elle devrait prendre ses décisions avec des arguments artistiques et en pensant au public.
Que va devenir la Chapelle ? Elle appartient au Mudam, est-ce que vous avez un droit de regard sur ce qui lui advient ?
Je ne crois toujours pas définitivement qu’elle sera démontée, je n’ai encore pu parler à personne, donc je suis un peu dans le déni. Mais si elle l’était, je proposerais de la mettre à disposition d’un musée à l’étranger. J’en connais plein qui seraient plus que ravis de l’exposer et de l’entretenir, le premier à me venir en tête est le Smak à Gent. Ce sera mieux pour l’œuvre et moins cher que de trouver un dépôt au Luxembourg, où le stockage coûte extrêmement cher. J’ai l’impression que le Mudam veut la faire discrètement disparaître, mais je ne laisserai pas faire.
Il y a deux ans, vous aviez un projet de construire toute une cathédrale gothique avec un cimetière virtuel sur une friche au Luxembourg. Où en est ce projet ?
Jusqu’en janvier de cette année, j’ai eu plein d’entretiens et d’entrevues au grand-duché, Xavier Bettel était enthousiaste de cette idée, mais le projet changeait tout le temps d’emplacement et d’envergure. Je voulais toujours être neutre et flexible, mais aujourd’hui, cela me semble très difficile. Durant deux ans, j’étais souvent dans le bureau du Premier ministre, mais depuis quelques semaines, il n’a plus le temps de répondre au téléphone, on me dit tout le temps qu’il est trop occupé. Ma relation avec le Luxembourg s’est vraiment dégradée ces derniers temps, de très positif et prometteur à mauvaise – ou du moins bizarre.