Offrir une participation à une loterie après un certain nombre d’achats ne constitue pas systématiquement une pratique commerciale déloyale, a jugé la Cour de justice européenne en réponse à une question préjudicielle introduite par la Cour fédérale de justice allemande. Dans l’arrêt rendu le 14 janvier1, elle précise toutefois qu’une telle campagne promotionnelle fait partie des pratiques qui doivent être examinées au cas par cas, à la lumière des critères énoncés par la directive 2006/2004 sur les pratiques commerciales déloyales2. Cette directive, qui a pour objectif de contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur et d’assurer un niveau élevé de protection des consommateurs, fixe une inter-diction générale des pratiques commerciales susceptibles d’altérer le comportement économique des consommateurs. Elle établit également des règles sur les pratiques commerciales trompeuses et agressives et son annexe 1 contient une liste des pratiques commerciales qui sont, en toutes circonstances, déloyales.
Le litige
Cette affaire tire son origine de la campagne promotionnelle Ihre Millionenchance (Votre chance de gagner des millions), lancée par une entreprise allemande de vente au détail, qui invitait le public à acheter des produits vendus dans ses maga-sins afin de collecter des points. L’accumulation de vingt points donnait la possibilité de participer gratuitement à certains tirages du Deutscher Lottoblock (association nationale de seize sociétés de loterie). L’association allemande de lutte contre la concurrence déloyale a obtenu de la justice allemande que cette société soit condamnée pour pratique déloyale en vertu de la loi allemande sur la répression de la concurrence déloyale (UWG) et mette fin à cette campagne. La Cour fédérale, chargée du litige en dernière instance, demande à la Cour si la directive s’oppose à l’in-terdiction de principe des concours et des jeux promotionnels avec obligation d’achat faite par la législation allemande.
Examen au cas par cas
La Cour de justice fait remarquer que si la pratique incriminée relève bien du champ d’application de la directive, en tant qu’acte commercial s’inscrivant clairement dans le cadre de la stratégie commerciale d’un opérateur et visant directement à la promotion et à l’écoulement des ventes de celui-ci, elle ne figure pas dans la liste exhaustive des pratiques pouvant être interdites sans faire l’objet d’un examen au cas par cas établie dans l’annexe 1 du texte. « Cette liste unique s’applique dans tous les États membres et ne peut être modifiée qu’au travers d’une révision de la présente directive », souligne la Cour. Aussi, pour déterminer si l’offre d’une participation à une loterie après un certain nombre d’achats présente un caractère déloyal, elle doit être évaluée à la lumière des critères énoncés par la directive, parmi lesquels la question de savoir si la pratique altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur moyen par rapport au produit. Mais, conclue la Cour de justice, comme le prévoit expressé-ment la directive, les États membres ne peuvent pas adopter des mesures plus restrictives que celles définies par cette directive, même aux fins d’assurer un degré plus élevé de protection des consommateurs. Sophie Mosca