Comme c’était prévisible, la Commission a décidé mercredi 5 janvier de contester devant la justice européenne la décision du Conseil de réduire de moitié l’augmentation de salaire promise aux fonctionnaires européens. Elle avance le respect des règles d’indexation des salaires, valable jusqu’en 2012.
En effet, un accord interinstitutionnel, conclu dans les années 1970, prévoit un mécanisme automatique de réajustement des salaires des eurocrates, des 736 députés européens (désormais indexés sur ceux des fonctionnaires) et des juges européens, calculé sur base de l’évolution des salaires de la fonction publique de huit États (Allemagne, Belgique, Espagne, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas et Royaume-Uni, représentant 76 pour cent du PIB de l’UE), durant l’année précédente, ainsi que sur l’augmentation du coût de la vie à Bruxelles. Ce réajustement calculé annuellement par la Commission doit être validé par les États membres qui n’ont en fait pas de possibilité de négociation. Or, cette année ils ont pris cette liberté, considérant qu’en période de crise, l’augmentation proposée de 3,7 p.c. était inconcevable, notamment lorsque beaucoup d’entre eux ont dû geler voire baisser les salaires de leurs propres fonctionnaires. Difficile pour eux de valider une augmentation de salaires de fonctionnaires européens, les mieux payés d’Europe. On rappellera que les salaires mensuels de base des quelques 50 000 fonctionnaires européens et contractuels s’échelonnent de 2 500 euros pour une secrétaire à près à 17 500 euros pour les chefs de département, hors primes diverses. C’est encore plus pour les commissaires et leur président. S’ajoutent à cela des primes et allocations, liées au statut d’expatrié et s’en déduisent des cotisations sociales et un impôt au budget de l’Union.
Depuis le début du mois de décembre, le bras de fer semblait inévita-ble. L’Allemagne, le Royaume-Uni, le Danemark, la Pologne, la Lettonie et la Lituanie ont farouchement refusé d’entériner la proposition de la Commission et le Conseil a, le 20 décembre, voté à l’unanimité une augmentation de 1,85 p.c., soit la moitié de ce qui était dû en vertu de l’accord. Mais les représentants des syndicats de fonctionnaires européens sont demeurés inflexibles : ils ne renoncent pas à leurs droits et consièrent que les États membres « violent la loi à l’unanimité ». Ils soulignent que les prélèvements augmentant, la hausse nette des salaires sera ramenée à seulement 2,3 p.c. pour 2010. À la mi-décembre, les fonctionnaires du Conseil ont manifesté publiquement devant le bâtiment principal de leur institution. Ils ont été rejoints le 18 décembre, par leur collègues de la Cour de Justice à Luxembourg. La Commission, embarrassée par cette affaire, ne peut faire autrement que de les soutenir arguant que si le mode de calcul instauré par l’accord est inapproprié à une période de crise, il convient de le revoir mais qu’en l’état actuel de la législation applicable, le Conseil se doit de le respecter. « Il incombe à la Cour de décider ce que la Commission estime être une violation des règles acceptées par les États membres (...) Nous parlons ici du respect des règles convenues. Ce n’est pas une question mettant en jeu la discrétion politique », a déclaré mercredi à la presse Pia Ahrenkilde Hansen, porte-parole principale de la Commission.
La Cour devrait, comme elle l’a déjà fait en 1972, valider le réajustement salarial d’autant que les juges européens sont eux mêmes directement concernés par celui-ci. Ils permettront ainsi aux capitales européennes de garder la tête haute, prétextant qu’elles ont dû se soumettre à la décision de la justice européenne malgré toutes leurs tentatives pour s’opposer à cette revalorisation salariale.