Si leurs noms – Cynthia Loemij et Mark Lorimer – ne sont pas encore dans l’esprit du public, leur visage et leur corps nous rappellent immédiatement deux danseurs majeurs. Nous les avons vus maintes fois évoluer sur la scène. Depuis quinze ans, ils sont les « ambassadeurs » d’Anne Teresa de Keersmaeker. Ils enseignent aussi à Parts à Bruxelles, à Londres (The Laban Centre), à Vienne (ImpulsTanz) ou encore à New York (Panetta Movement Centre and Movement Research). Leur compagnie, Ovaal, a été créée à Bruxelles en 2010 et leur premier duo, To Intimate, explore les trois langages que sont la danse, la musique et les mots.
Sur scène avec eux, le violoncelliste Thomas Luks interprétant des capriccios pour violoncelle de Joseph Marie Clément dall’Abaco (1710-1805) et des sérénades pour violoncelle du compositeur contemporain Hans Werner Henze. Le son et le mouvement questionnent donc la nature de la communication humaine.
Elle, Cynthia Loemij, ressemble étonnamment à Anne Teresa de Keers[-]maeker. Très élégante dans sa danse, elle assume le rôle d’ATDK dés 2006 dans la reprise de Fase, la pièce historique de la chorégraphe au côté généralement de Tale Dolven, mais également avec De Keersmaeker. Née en 1969 à Brielle en Pays-Bas, Cynthia Loemij obtient un diplôme de professeur de danse du conservatoire de danse de Rotterdam en 1991. Membre permanent de la Compagnie Rosas au début des années 1990, elle prend notamment part aux créations des spectacles Mozart/Concert Aria’s, Amor constante, más allá de la muerte et Woud.
Elle devient une figure essentielle de la compagnie Rosas. En 1999, elle participe à l’écriture de la pièce de danse-théâtre Quartett d’après Heiner Müller, en collaboration avec l’actrice Jolente De Keersmaeker, Anne Teresa De Keersmaeker, et Frank Vercruyssen. Cynthia Loemij collabore avec la vidéaste Manon de Boer en 2010 à la réalisation d’œuvres audiovisuelles, intitulées Mirror Modulation et Dissonant, tentant de mettre le spectateur le plus possible à la place de la danseuse et de ses émotions.
Lui, Mark Lorimer, est tout simplement confondant d’émotion dans En attendant ou Steve Reich Evening. Né en 1969 dans le Sussex en Angleterre, il est diplômé de London Contempo-rary Dance School en 1991. Jusqu’en 1993, il travaille sur des projets théâtraux, notamment avec Lucy Bailey, metteur en scène de théâtre et d’opéra. Il s’installe à Bruxelles et travaille avec la Compagnie Michèle-Anne de Mey pour Pulcinella. Puis, il rejoint la compagnie Rosas en tant que danseur, mais aussi directeur de répétitions pour diverses créations et pièces de répertoire. En 2009, il danse avec Cynthia Loemij au Kazakhstan dans Prélude à la mer – une re-création pour le film de Thierry De Mey inspiré de L’après-midi d’un faune.
Dommage donc que mercredi 7 décembre au Grand Théâtre de Luxem[-]bourg, trop peu de gens se soient déplacés. Une salle pourtant conquise par cette prestation remarquable des deux danseurs et de leur complice musicien violoncelliste. Véritable performance de très haut niveau technique dans un décor très minimaliste pour ne retenir et ne se concentrer que sur la danse.
Travail en diagonale, synchronisation parfaite entre les deux danseurs, elle est la grâce, il insuffle l’émotion. Ils disent des possibles, des parenthèses, des malentendus… Ils sont toujours très intimes, mais aussi très pudiques. C’est dans la retenue des gestes que l’inexprimable du lien humain devient par magie si éloquent. Précision, netteté, rigueur, l’on entend Cynthia Loemij murmurer… la danse lui permet-elle de se parler et de se questionner ? Mark Lorimer donne le rythme. Constamment dans le temps musical, sa partenaire en ne le quittant pas des yeux assure ainsi au duo d’être à l’unisson.
La profondeur de leur travail promet un excellent avenir à cette nouvelle compagnie réunissant deux chorégraphes très charismatiques.