Un néologisme en guise de définition de Robi Gottlieb-Cahen. L’apanage des grands pour quelqu’un qui ne vit pas de son art (Robi Gottlieb-Cahen enseigne les sciences économiques et sociales et l’éthique), un peintre qui expose au Luxembourg et au-delà, mais jamais dans des lieux de prestige, un auteur qui en est à son coup d’essai. D’ailleurs, Robi Gottlieb-Cahen n’est ni le premier ni le meilleur à combiner ces deux disciplines, les arts plastiques et l’écriture. Jean Cocteau, pour ne citer que lui, l’a fait à merveille dans Le Mystère de Jean l’Oiseleur. Alors pourquoi tant de déférence à l’égard de Robi Gottlieb-Cahen ? Parce que rare est cette polyvalence chez nous et parce que le résultat est suffisamment qualitatif pour être souligné.
La mode est aux textes illustrés. Ici, bonheur suprême, plume et pinceau se confondent, ont été tenus par la même main, régis par les mêmes poumons, le même cœur, le même cerveau. Et, de fait, il y a totale alchimie entre le texte de la page de gauche et la peinture de la page de droite. Tant et tant qu’à l’envi on peut d’abord parcourir le texte ou d’abord s’abîmer dans la peinture. Et inlassablement reconfronter les deux. Car chaque face-à-face invite à un vagabondage de l’esprit et de l’imagination. Ce qui vient invalider la pertinence du titre, Minute stories. Certes, le texte, des aphorismes poétiques – systématiquement énoncés en trois langues, français, allemand et anglais, dont la traduction revient certainement à l’auteur lui-même – est court, mais odysséen. Et la peinture, quoiqu’osmotique avec le texte, tout aussi odysséenne. Quel que soit le sens de lecture, nulle clé. Juste une voie ouverte pour nous, lecteurs, propice à moult divagations.
La peinture étant la compétence-clé de Robi Gottlieb-Cahen, attardons-nous-y un peu.
Elle est en fait inégale et subit diverses influences. Ici rappelant Gustav Klimt, Salvador Dalí, Paul Gauguin, Edgar Degas ou Botticelli, là la période expressionniste ou flamande. Peu importe après tout. Les exigences ici ne sont pas celles relatives à des œuvres prêtes à être exposées, mais à des illustrations d’un livre, lesquelles, des portraits de femmes pour la plupart, auraient bien sûr mérité une reproduction de meilleure qualité, moins lisse, moins affadie. Demeurent heureusement visibles les atteintes du peintre lui-même à son travail, griffures et grattages. Qui confèrent de l’épaisseur à ses personnages, et par là même à ses histoires. Comme le font également les forts contrastes de couleur entre le portraituré et le fond ou les poses ou des détails – une larme qui coule sur une joue – qui entretiennent le mystère et amorcent une narration.