Le Conseil compétitivité du 10 décembre a enregistré l’annonce de la saisine formelle de la Commission européenne par onze États membres en vue de mettre en place une coopération renforcée pour l’instauration d’un brevet de l’UE. Et le 14 décembre, la Commission a rendu publique sa proposition qu’elle a soumise au Conseil. Cependant, les oppositions persistent et le Conseil européen de la fin de semaine devait être saisi du dossier.
En effet, suite à l’échec d’un accord à l’unanimité en matière de régime linguistique le 25 novembre dernier, une majorité d’États membres – 24 à ce jour – a décidé d’utiliser un mécanisme de coopération restreinte offert par l’article 329 du Traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE) en ce qui concerne la création d’une protection par brevet unitaire couvrant les territoires des États membres qui y participent. Lors des débats publics au Conseil, treize États ont déclaré vouloir rejoindre les onze « éclaireurs », pour reprendre l’expression de Michel Barnier, le commissaire en charge du Marché intérieur et des services. La République Tchèque souhaite encore réfléchir et demande une étude d’impact sur les conséquences juridiques de cette coopération. L’Espagne et l’Italie ont réitéré leur opposition à cette idée de coopération, estimant que tous les efforts n’avaient pas été entrepris pour aboutir à une solution de compromis à l’unanimité.
« Le Conseil a pris une décision courageuse », s’est félicité le ministre belge de la simplification et des entreprises, Vincent Van Quickenborne, dont le pays préside actuellement l’UE. S’il regrette de ne pas avoir abouti à une solution à l’unanimité, il estime avoir « abouti à un accord politiquement honorable et économiquement viable. L’Europe a choisi de réduire les coûts pour ses entreprises et de renoncer aux blocages qui perdurent depuis quarante ans ». Même enthousiasme du coté de Michel Barnier : « La coopération est plus souhaitable que le sur-place et le recul ». Il a rappelé que la coopération renforcée n’excluait pas les entreprises situées dans les États membres qui n’y participent pas, qu’il a comme « objectif d’arriver à un coût de brevet abordable et assurant la sécurité juridique ». Le commissaire français espère que les trois États récalcitrants rejoindront les autres.
La Commission a transmis sa proposition formelle de décision au Conseil le 14 décembre. Elle a pris pour base le compromis de la présidence belge du 25 novembre qui avait obtenu un large soutien. Cette proposition doit encore être approuvée à la majorité qualifiée par le Conseil, après accord du Parlement européen. En 2011, l’exécutif européen fera des propositions détaillées de coopération renforcée pour le brevet unique et les exigences de traduction. On sait à ce jour, qu’il s’inspirera du compromis belge qui avait obtenu une large majorité. Autrement dit, l’examen et l’octroi du futur brevet communautaire se feraient selon les trois langues officielles de l’Office européen des brevets (OEB) qui regroupe 38 pays (les 27 États membres plus onze autres pays européens : le français, l’anglais ou l’allemand. Et les inventeurs qui ne pratiquent aucune de ces trois langues bénéficieront du remboursement de leur frais de traductions vers l’une de ces langues.
Le Parlement européen sera ensuite saisi pour accord sur le principe de cette coopération. Le Conseil compétitivité de mars 2011 pourrait discuter sur la mise en place de la coopération et la Commission fera alors une proposition de coopération renforcée, sur le fond cette fois, sur les deux règlements concernés : celui sur la protection unitaire du brevet et celui sur le régime linguistique. Michel Barnier espère que « tout sera bouclé dans le courant de 2011 ».
L’Espagne et l’Italie campent sur leur position et en appellent aux chefs d’États et de gouvernements pour bloquer le processus de coopération renforcée. Le 9 décembre dernier, Silvio Berlusconi et José Luis Zapatero ont envoyé une lettre aux présidents de la Commission européenne, José Manuel Barroso, du Conseil européen Herman Van Rompuy et au Premier ministre Belge Yves Leterme, à la tête de la présidence de l’UE, pour exposer les motifs de leur opposition : cette option est, selon eux, incompatible avec les principes et le fonctionnement du marché intérieur et il faut reprendre les discussions pour arriver à un compromis à l’unanimité. Les deux dirigeants ont donc demandé que cette question du brevet communautaire soit à l’ordre du jour cette semaine du Conseil de l’UE.