Si la législation européenne est en principe, à l’avantage des consommateurs, l’essor des ventes en ligne a conduit la Cour de justice de l’UE à clarifier les conditions d’application de ce droit dans ce mode de commerce transfrontalier. Dans l’arrêt du 7 décembre dans les affaires C-585/08 et C-144/09 les juges de Luxembourg précisent que « la simple utilisation d’un site Internet par le commerçant ne déclenche pas en elle-même l’application des règles de compétence protectrices à l’égard des consommateurs des autres États membres ».
La Cour a été saisie par la Cour suprême autrichienne de deux litiges transfrontaliers nés de ventes en ligne et qui posent la question de la juridiction compétente pour résoudre ces cas.
Dans la première affaire, Monsieur Pammer, domicilié en Autriche, a réservé un voyage en cargo auprès de la société allemande Reederei Karl Schlüter via une agence de voyage allemande en ligne. Mais il a refusé d’embarquer parce que les conditions offertes sur le bateau ne correspondaient pas à la description reçue de l’agence et il a exigé d’être remboursé. N’ayant obtenu qu’une partie du prix, il a saisi la justice autrichienne. Reederei Karl Schlüter a alors soulevé une exception d’incompétence, arguant qu’elle n’exerce aucune activité professionnelle ou commerciale en Autriche.
La seconde affaire concerne Monsieur Heller, résidant en Allemagne qui a réservé plusieurs chambres dans l’Hotel Alpenhof, en Autriche, par emails. Une fois sur place, le client a critiqué les services de l’hôtel et a quitté les lieux sans payer. L’hôtel a porté plainte en Autriche. Monsieur Heller a alors soulevé une exception d’incompétence : résidant allemand, il a estimé qu’il ne pouvait pas être assigné en Autriche.
La Cour suprême autrichienne interroge la justice européenne sur la question de savoir si une société établie dans un État membre offre ses services sur Internet, cela implique-t-il que ces services « soient dirigés » vers d’autres États membres ?
Pour qu’une juridiction d’un au-tre État membre soit saisie par un consommateur, selon le règlement de 2000 sur la compétence judiciaire en matière civile et commerciale, il faut que l’activité d’un commerçant en ligne soit « dirigée vers » d’autres États membres. Or, pour ce faire, le commerçant « doit avoir manifesté sa volonté d’établir des relations commerciales avec des consommateurs d’autres États membres », ce qui déclencherait l’application des règles de compétence protectrices du règlement pour ces derniers.
Aussi, la Cour a-t-elle cherché des indices démontrant qu’un commerçant envisage de commercer avec des consommateurs domiciliés dans d’autres États membres : expressions manifestes de la volonté démarchage, dépenses dans un service de référencement sur Internet ou encore nature internationale de l’activité (tourisme, coordonnées téléphoniques avec l’indication du préfixe international). De même, si le site Internet permet aux consommateurs d’utiliser une autre langue ou une autre monnaie que celles habituellement utilisées dans l’État membre du commerçant, ces éléments peuvent également constituer des indices démontrant l’activité transfrontalière de ce dernier.
En revanche, souligne la Cour, la simple mention sur un site Internet de l’adresse électronique ou géographique du commerçant ou l’indication de ses coordonnées téléphoniques sans préfixe international ne constituent pas de tels indices.
En fonction de ces éléments, la justice autrichienne doit pouvoir trancher les litiges qui lui sont soumis.