La bannière plutôt absconse sur la façade du MNHA et le titre peuvent induire en erreur : Portugal – Drawing the world, peut occulter et c’est dommage, le vrai sujet de l’exposition temporaire actuelle du Musée national d’histoire et d’art. À l’heure où l’Occident est amené à faire son mea culpa concernant ses méfaits colonialistes – exploitation des matières premières, soumission des peuples autochtones, vols d’œuvres d’art – le MNHA consacre en effet une exposition à l’influence stylistique de ses anciennes possessions sur le Portugal et aux découvertes botaniques et médicinales qui ont influencé toute l’Europe.
Les curateurs Paul Alves, Fabienne Pietruk et Michel Polfer côté luxembourgeois et Maria de Conceiçao Borges de Sousa, Luisa Penalva, Miguel Soromenho du Museu Nacional de Arte Antiga de Lisbonne, ont choisi avec parcimonie des témoignages parlants dans des collections des institutions publiques portugaises de Lisbonne mais aussi de Mafra et Sintra ou encore Viseu. Les salles des quatrième et cinquième étages du Fëschmaart ne sont pas surchargées et agréables à parcourir.
Les objets sont répartis en sections chronologiques, depuis les origines du Portugal, faut-il le rappeler « petit » pays de la façade atlantique devenu puissance mondiale, en passant – grâce à la route maritime du Cap – par l’Afrique – puis, navigant sur tous les océans du monde jusqu’à l’Asie, le Japon, la Chine et le Brésil en Amérique du Sud…
L’influence catholique du puissant pouvoir ecclésiastique a, on le sait, joué un rôle considérable dans la « mission » d’évangélisation issue de l’esprit de la « Reconquista » dès le XIIIe siècle, mais on découvrira avec d’autant plus d’intérêt, mélangées aux témoignages du Portugal moyenâgeux, les influences de l’Afrique du nord. En témoigne un fragment de pierre tombale (XIIe-XIIIe siècle) en arabe et des carrelages hispano-mauresques, ancêtres des fameux azulejos (fin du XVe siècle).
Suivent les outils et instruments de navigation (quadrant nautique, astrolabe), issus des connaissances mathématiques et de la géométrie qui ont permis au Portugal, idéalement situé au carrefour des routes maritimes entre le Sud méditerranéen et l’Atlantique nord, d’entreprendre la conquête des mers : les armes de Lisbonne sont illustrées ici par la représentation d’un navire en pierre, toutes voiles dehors (XVIe siècle). Mais surtout, on verra un magnifique globe céleste en or de 1575, commandé à Augsburg, qui représente on ne peut mieux la confiance en soi de ces navigateurs qui s’aventurèrent alors dans des voyages maritimes de plus en plus lointains, guidés par les étoiles.
À la fin du XVe siècle, les navigateurs portugais avaient ainsi pu conquérir Madère, les Açores et le Cap-Vert, mais aussi navigué tout le long des côtes atlantiques de l’Afrique. C’est ici que commence l’histoire d’une colonisation inversée : au Portugal sont introduits des tapis de raphia et des objets d’usage courant, comme des cuillers et autres objets, dont témoigne un précieux olifant en ivoire fabriqué en Sierra Leone (XVe-XVIe siècle) à l’iconographie occidentale.
Des Indes (Goa devint la capitale de l’État portugais de l’Inde), on admirera un manuel des plantes et drogues médicinales (XVe-XVIe siècle), un chapelet en corail, puis un oratoire du XVIIe siècle en tek et peinture polychrome nettement influencé par les représentations hindouistes malgré ses colonnes torses et son dais faisant penser à Saint-Pierre de Rome. Un cabinet en bois précieux incrusté d’ébène est porté par des cariatides aux seins féconds de déesses païennes…
Bien sûr, l’art religieux baroque s’orna lui des pierres précieuses venues du Brésil mais pas seulement : on peut voir dans l’exposition des bijoux « civils » fortement influencés par l’art du cloisonné indien et l’exposition se termine par l’apport de l’Extrême-Orient, Macao, la Chine et le Japon. On verra ainsi de précieux vêtements en soie et satin brodés, stylistiquement très proches des manteaux de cour chinois et des cruches et plats pour se rafraîchir à l’occidentale, en porcelaine à motifs chinois raffinés, d’avant le XVIIIe siècle, dont les Occidentaux tentaient alors en vain de découvrir la maîtrise de la fabrication…