Un pari réussi pour cette entertaining mise en scène et scénographie, signées Stefan Maurer (assisté du jeune Tom Dockal) de cet entertaining texte de l’auteur-star qu’est Fausto Paravidino. Exit au Kasemattentheater s’est joué à guichets fermés tous les soirs : l’histoire d’un couple qui se sépare attire. Un couple marié qui ne sait plus comment il s’est aimé, où les deux, ne se reconnaissent plus, se placent constamment à côté de leur rôle de femme et de mari, pour analyser ce qui ne va pas. Une proposition drôle, où avec eux (deux voire quatre couples, au final) on navigue sans cesse entre le passé et le temps présent, pour comparer. Le texte quant à lui est rusé, s’insinue davantage dans l’esprit que juste un bon moment. Il parle de ce que chacun (passé une certaine expérience, un certain âge) connaît. « Nous avons déjà détruit le temps présent, allons-nous aussi détruire le passé ? » « Il faut se séparer de façon nette, nous sommes attachés à nos habitudes plus qu’à nous-mêmes. » Comment ne pas se quitter et faire renaître le feu sacré du début ? Comment continuer à se tolérer, ne serait-ce que physiquement ? Comment faire pour ne pas se détester, se quitter peut-être et ne pas faire de mal ? Faut-il pour former un couple plutôt se compléter ou se ressembler ? Comment se plaire encore ? Toutes ces questions sont ressassées sans cesse sur un plateau juché d’innombrables piles de journaux attachés, qui au fil des scènes, représentent le mobilier de l’appartement commun, la lecture (très simplement) ou l’expression du dégoût, de la colère... du désespoir.
Dans son écriture, Paravidino se dit rejeter la forme du mélodrame, mais il n’exclut en rien le tragique. Et dans son texte, dans la bouche des quatre comédiens (Germain Wagner, Petra Förster, Fabienne Eliane Hollwege et Marc Limpach), cette dimension tragique, cette incapacité de trouver une issue, est sous-jacente. La proposition qu’en a faite le metteur en scène, Stefan Maurer, un habitué plutôt des planches du TNL, s’inscrit dans un registre léger, bien digeste. Même les questions les plus douloureuses sont servies avec drôlerie. Il a mis en avant la cruauté des situations et le tourbillon dans lequel se placent les personnages, surtout celui de cette constante pré-rupture, mais en souriant. Un peu Woody Allen, oui, avec tout ce que cela comporte, surtout les incessantes introspections. Et surtout vers la fin avec l’arrivée de l’ami, le fameux point quatre – Marc Limpach, qui est vraiment drôle, dans la tradition de Woody Allen, évoquant aussi certaines scènes de Carnage de Polanski – de par la distance que son personnage offre aux problèmes des deux couples qui se juxtaposent de plus en plus.
Quant à eux, ils s’achèvent à petit feu, à coups de divergences politiques, de manque d’enfants, d’incompréhensions diverses, de grossesse dissimulée au géniteur et d’histoires de chaussettes (survenant comme un leitmotiv avec lequel n’importe qui est censé s’identifier...). Tout cela est servi par un jeu dynamique, peut-être trop rentre-dedans par moments, légèrement trop évident dans l’ensemble, trop redondant aussi. La subtilité s’y sent, mais il y aurait pu avoir davantage d’éléments en suspens, peut être davantage de nuances et surtout laisser de côté, le nous-nous-trouvons-bien-au-Luxembourg « Il Lussemburgo », pour emballer le public, déjà convaincu, encore un peu plus – en constatant son enthousiasme lors de la représentation de mardi dernier au Kasemattentheater. Mais Exit dans la version de Maurer est vraiment une bonne solution pour un très bon texte qui puise dans la banalité du quotidien les questionnements les plus universels sur ce que c’est que de partager sa vie avec l’autre.