C’est au rythme des joggeurs que les banquiers luxembourgeois seront tenus de suivre l’évolution du métier de la gestion de fortune, s’ils veulent encore exister sur la mappemonde de cette activité d’ici sept ans, vu les incertitudes qui pèsent sur le secret bancaire à cet horizon. Une étude réalisée par le consultant PricewaterhouseCoopers avec le concours des principaux acteurs de la place (banques, associations, autorité de contrôle) relève qu’un repositionnement des établissements est nécessaire pour qu’ils aient droit à leur part du gâteau de la richesse mondiale dont les actifs devraient atteindre 37 000 milliards d’euros d’ici 2015.
Une richesse qui change de main d’ailleurs. La génération des « vieux riches », fonds de commerce traditionnel des banques du pays, faisant place aux nouveaux riches, plus exigeants sur la qualité et la performance des produits que soucieux des questions de confidentialité. « Le Luxembourg ne vendra pas son secret bancaire, mais vendra ses compétences », indique Gian Marco Magrini, l’un des auteurs de l’étude et associé chez PWC. D’où aussi, à ses yeux, le caractère « antinomique » des conventions de non-double imposition et du secret bancaire. Ce sera l’un ou l’autre. C’est sur cette niche de la gestion privée haut de gamme et sophistiquée que le Luxembourg doit trouver ses marques. Actuellement avec 300 milliards d’euros d’actifs, la place pèse peu sur l’échiquier européen de la richesse : 4,3 pour cent. Et ses concurrents lorgnent ses positions, prêts à le botter en touche.
Encore faudra-t-il que les établissements visent juste leurs cibles de clientèle, se rendent suffisamment visibles et attractifs des nouveaux riches et le fassent de manière plus concertée. D’où le travail de fond nécessaire en matière de promotion du label financier luxembourgeois. Car l’étude a aussi montré que le fonds de commerce des clients de type « dentistes belges » ou « carrossiers allemands » prenaient de la bouteille et surtout que peu d’entre eux avaient opté pour une gestion discrétionnaire de leurs avoirs, en restant accrochés à une vision trop classique de l’épargne. Une portion de dix à quinze pour cent seulement de clients opte pour le mandat discrétionnaire, c’est encore trop peu. La Suisse fait bien mieux dans ce domaine.
Si elles ne vont pas snober du jour au lendemain les petits clients, les banques luxembourgeoises connaissent depuis quelques années une « montée en gamme » des fortunes. La moyenne des avoirs sous gestion se situait entre 500 000 euros à un million et a tendance à se relever. Il n’est pas rare que le ticket d’entrée s’affiche à 800 000 euros. Parallèlement, les « gagne-petit » plient bagage. Les professionnels observent des départs importants de clients à 200 ou 300 000 euros. C’est donc sur le créneau des plus de 20 millions d’euros que le Luxembourg entend prendre ses aises. Et là, il y a du chemin à parcourir. Ne serait-ce qu’en termes d’infrastructures. Un déposant avec un portefeuille à plus de 20 millions d’euros ça se chouchoute dès sa descente d’avion. L’accueil VIP qui serait fait à l’aéroport de Luxembourg à une gente qui ne se déplace qu’en jet privé (il y a eu plus de 3 500 rotations de jets privés en 2007 au Findel) et pour laquelle un vol Luxair c’est un peu le RER pour les banlieusards, laisserait d’ailleurs à désirer.