Le gouvernement a choisi de saucissonner en deux morceaux la3e directive sur le blanchiment et de conserver intact le fonctionnement de la cellule anti-blanchiment, qui restera reliée au Parquet.
Un choix motivé par la volonté de ne pas mélanger les torchonset les serviettes, fait-on savoir dans l’entourage de Luc Frieden.Le ministre CSV n’a pas voulu mêler dans un même corps de texteun sujet de nature essentiellement pénale à des modifications dudispositif qui dicte le comportement des professionnels du secteurfinancier. Pourtant, les deux projets ont été rédigés par une seuleet même personne. Le gouvernement s’expose néanmoins auxremontrances du Conseil d’État, très attaché à la « bonne pratiquelégislative », qui aurait sans doute voulu que les deux textespassent en même temps dans le mixer. D’autant que la directivedoit en principe être transposée pour le 15 décembre. Peu de paystoutefois s’y sont déjà conformés. Il est probable que certains« grands » États ne déposeront leurs versions de la directive de2005 qu’en 2008 seulement. Le Luxembourg fait donc bonnefigure dans le lot. Pour aller vite et éviter les grands débats philosophiques, les autorités ont encore une fois collé au plus près dela directive européenne pour amender la loi de 2004, elle-mêmetransposition de la 2e directive blanchiment.
Un premier bout du dispositif de la 3e directive fut déposé en aoûtdernier (d’Land du 7 juillet). Cette partie a pour but de conformerl’arsenal anti-blanchiment du Luxembourg aux standards internationaux en étendant notamment la liste des infractions sous-jacentes au blanchiment. Le groupe d’action financière (GAFI), qui viendra faire sa tournée du grand-duché en 2008, le recommandait tandis qu’une décision cadre de 2001 du conseil des ministres de la Justice l’exigeait. Ce projet n’a toujours pas été avisé par le Conseil d’État.
Ni par la Chambre de commerce d’ailleurs, bien que l’ABBL, qui enest un des fers de lance, ait déjà rendu en octobre son avis sur letexte. La communauté financière n’a pas grand chose à craindredu nouveau dispositif, la directive laissant une bonne marge demanoeuvre aux États, notamment pour intégrer à leur façon, dansle champ du blanchiment, les infractions de « fraude et d’escroquerie». Si l’escroquerie fiscale y est prévue, les infractions de fraudefiscale, punies seulement d’une peine de un à cinq mois de prison vont y échapper. Seules en effet les infractions graves punissables de six mois de prison au moins sont prises en considération. Le gouvernement a toutefois élargi la liste à quelques infractions sous le seuil des six mois, mais pas touche à la fraude fiscale, qui semble faire partie du paysage.
Dans son avis du mois d’octobre, l’ABBL a plaidé « pour uneprochaine transposition de la directive dans son entièreté car ellepermettra d’avoir une vue d’ensemble des nouvelles obligationsprofessionnelles ». Le terrain semble donc déminé pour Luc Frieden,qui s’était d’ailleurs chargé de le sonder avant de présenter débutdécembre aux députés le second chapitre de la 3e directive.
Ce deuxième volet porte essentiellement sur les obligations desbanquiers, qui vont être simplifiées dans la mesure où il leur seraexigé de concentrer leur vigilance sur les clients à risque. Desdérogations leur seront accordées pour lâcher un peu leur gardelorsqu’ils traiteront par exemple avec des établissements financiers,des sociétés cotées, des bénéficiaires de comptes groupés tenus pardes notaires ou des membres d’une autre profession réglementée.La directive impose en outre aux États membres de régler le statutdes cellules de renseignement financiers, sorte de confessionnalde la communauté financière chargé de recueillir les dénonciationsde transactions suspectes. À Luxembourg, le lobby bancaireavait tenté en 2004 de faire de la CRF une structure administrativesur le modèle de la Tracfin française. Une chambre d’enregistrementdes transactions suspectes à laquelle il manquerait la force de frappe des cellules directement rattachées aux Parquets, voire même à la police dans certains pays. Après consultation, Luc Frieden a donc choisi de ne rien changer au mécanisme actuel.
Ceci dit, le ministre reste prudent. Les débats sur la transpositionde la 3e directive pourraient en effet réveiller de vieux démons.