Lorsqu'en 1995, au Luxembourg comme généralement en Europe, le réseau Internet commence à être connu en dehors du milieu scientifique, les avis sont loin d'être unanimes. D'un côté, l'enthousiasme d'une génération technophile qui découvre de nouvelles opportunités, de l'autre le scepticisme de la part des décideurs économiques et politiques. Ce n'est qu'au moment où le modèle américain des « autoroutes de l'information » est remplacé en Europe par la « société de l'information » que les premières entreprises commencent à s'intéresser de plus près au « phénomène Internet ». L'engouement des médias dits traditionnels pour ce nouveau-né fait très rapidement croître sinon l'intérêt général, du moins la curiosité de tout un chacun. Les premières entreprises spécialisées voient le jour au Luxembourg.
Automne 1999 : Invités par le Land pour témoigner des motivations d'un éditeur originaire du domaine du papier pour (s')investir dans les nouveaux médias, nous témoignons aujourd'hui de notre expérience acquise durant trois ans de publication en ligne. Bilan et perspectives.
La clé du succès, le « cross-media »
Dès notre arrivée sur le Web en 1996, et avant l'utilisation du concept « cross media », nous nous intéressons à l'effet multiplicateur qui naît d'une utilisation combinée de plusieurs médias. En créant, en 1996, les « Lëtzebuerger Web Awards », un concours national récompensant les sites Web luxembourgeois les plus populaires, notre intérêt était celui de combiner un événement issu du monde virtuel (l'élection eut lieu uniquement sur le Web) avec un événement se déroulant physiquement au Luxembourg (la remise des prix était organisée devant 400 personnes au Luxembourg). Un tel événement intéresse bien entendu aussi les autres médias et le tour est joué : le concours gagne en importance et le nombre des participants augmente et intéresse encore davantage la presse.
L'idée de « croiser les médias » allait encore plus loin lorsqu'en 1997, un titre édité sur papier prend le nom de Nightlife.lu faisant ainsi allusion à un nom de domaine (d'un site encore non-existant !). De fil en aiguille, ces deux mondes d'édition entraient en synergie. En ce qui concerne l'Explorator City Guide ou encore l'Explorator Hors Série / Newmedia-guide.lu1, d'importants extraits des deux publications sont publiés sur le Web et peuvent ainsi être actualisés tout au long de l'année. Bien qu'étant un service gratuit, la présence des deux titres sur le Web augmente leur notoriété tout en réalisant des recettes via la publicité et le sponsoring sur ces sites.
L'exemple de ces deux publications et de ces deux sites illustre parfaitement le premier reflexe d'un éditeur de réutiliser un contenu déjà existant pour le publier sur le Web. À quelques exceptions près, à l'image de pionniers comme Forum : Luxembourg2 de Daniel Schwall ou encore Luxweb3 de Samuel Dickes, les sites qualifiables d'éditoriaux étaient (à l'époque) généralement de « pauv-res » copies de leurs aînés imprimés4. Précisons tout de même que pour les deux sites évoqués (Restaurant.lu et Newmediaguide.lu) une importante plus-value due à la fonction de recherche mulitple et de la mise à jour peut justifier leur raison d'être.
Mais la rapidité de publication propre à Internet permet aussi la création de sites Web complémentaires à d'autres médias sans pour autant reprendre ni leur contenu, ni leur dénomination. C'est le cas notamment de Casting.lu ou encore de Party.lu. Le premier fonctionne comme showroom virtuel de mannequins potentiels du Luxembourg et de la Grande Région, édité en collaboration avec le mensuel Nightlife.lu, le second publiant un agenda respectivement des reportages sur les sorties, est publié en étroite collaboration avec la radio musicale Eldoradio. Dans les deux cas, les sites et leurs « parrains » profitent réciproquement de l'image de marque de l'autre. Il s'agit d'un mariage de raison permettant à l'un de croître rapidement et à l'autre d'accroître davantage sa notoriété et sa place auprès de la population ciblée.
Une nouvelle génération de sites Web
Avec l'apparition des sites portails, une nouvelle génération de sites Web est née. Et l'enjeu est différent. Un site portail fonctionne uniquement lorsqu'il attire quotidiennement un très grand nombre de visiteurs. Pour ceci, il faut des services gratuits et un contenu actualisé en permanence. À ce jour, deux types de portails existent au Luxembourg. D'une part, il y a les portails pratiques offrant des services comme, par exemple, des répertoires thématiques de sites web, c'est le cas de Luxweb et de Luxpoint. D'autre part, il y a les portails des médias établis ayant recours à leur savoir-faire journalistique et commercial et offrant des news toujours plus actuelles. Des motivations différentes pouvant toutefois attirer chacune à sa manière un nombre important d'internautes.
Avec Spider.lu nous avons créé en début de cette année (en co-édition avec Global Media Systems et XYZ Productions) un site portail avec le premier véritable moteur de recherche luxembourgeois associé à une multitude de services gratuits, allant de l'adresse e-mail non-payante à l'hébergement gratuit de homepages, fidélisant ainsi le visiteur. Des actions périodiques créent de l'animation sur le site. Citons l'élection virtuelle du Parlement luxembourgeois ou plus récemment l'élection de « Spider-girl 2000 Miss Internet of Luxem-bourg ». Plus encore, Spider.lu propose même l'accès gratuit à Internet depuis quelques jours.
Pour rester compétitifs, les éditeurs sont/seront quasiment obligés de toucher à d'autres métiers. Des alliances entre éditeurs et experts en nouvelles technologies d'information et de communication semblent alors inévitables. Un nouveau marché existe bel et bien, et la répartition des parts de marché reste encore à faire. Faire plus, séduire davantage, innover toujours et encore : aucun effort ne semble injustifié pour prendre une bonne position.
Pour un éditeur « traditionnel », il s'agit d'être flexible et de pouvoir répondre rapidement aux exigences d'un nouveau type de clientèle qui a déjà pris ses habitudes en visitant des sites web du monde entier. C'est un beau défi pour une PME luxembourgeoise !
1 Explorator publie une base de données avec 400 restaurants sur le site www.restaurant.lu ; Explorator Hors Série publie une base de données reprenant 850 entreprises sur le site www.newmediaguide.lu.
2 Forum : Luxembourg est aujourd'hui exploité par le groupe editpress, éditeur du quotidien tageblatt et un des premiers acteurs dans le domaine des nouveaux médias
3 Luxweb a été racheté par Editus
4 www.tageblatt.lu (un des plus anciens), www.wort.lu, www.rtl.lu (le dernier-né)
Mike Koedinger est éditeur (www.mke.lu)