L'essor d'Internet en tant que support de vente et d'information a naturellement amené les entreprises à considérer les possibilités de ce nouveau média dans les domaines de la communication et de la promotion. Dès lors, la publicité est devenue de fait une composante fondamentale de l'économie d'Internet, et pour les utilisateurs du réseau une réalité quotidienne parfois gênante.
Toutefois, même si la publicité peut être considérée comme une nuisance, elle est indiscutablement une source de revenus incontournable pour les éditeurs de contenus en ligne. Le modèle a d'ailleurs fait recette, puisque la publicité est également utilisée pour financer des accès Internet, voire des ordinateurs (voir les nombreuses annonces qui sont récemment parues, proposant des machines ou des connexions gratuites à condition de consacrer une partie de son écran au défilement d'annonces).
1999 est à n'en pas douter l'année où Internet s'est imposé comme support d'annonces au Grand-Duché.
Il y a encore un an, ce secteur était inexistant, les quelques bandeaux présents sur les sites luxembourgeois étant le fruit d'échanges gratuits ou quasi-gratuits. Aujourd'hui, et depuis quelques mois, l'offre s'est structurée, et les annonceurs ont aujourd'hui l'embarras du choix pour promouvoir leurs marques ou leurs produits sur le réseau.
Parti un peu plus tard que ses voisins européens dans la course à l'Internet en tant que support d'annonce, le Luxembourg est en train de rapidement les rattraper. À voir ce qui se passe outre-Atlantique, Internet sera de plus en plus utilisé comme un média de promotion à part entière, quoi qu'il en déplaise aux pionniers d'Internet qui voient arriver ces marchands du temple d'un mauvais il.
Internet va-t-il avoir une place autre que marginale dans les plans médias des agences en communication? Comment va-t-il s'associer avec les médias traditionnels? Quels sont les nouveaux mécanismes de fonctionnement, les modèles économiques qui émergent et changent la donne par rapport aux schémas classiques de la communication? Quels sont les moyens de la promotion et quel est le prix pour communiquer sur Internet? Pour quelle efficacité? Comment se situe le Grand-Duché par rapport à ses voisins européens et aux États-Unis? Et quels sont les nouveaux acteurs qui interviennent sur ce marché? Les acteurs en place sont-ils contraints à une quasi reconversion? Quelle est la stratégie des acteurs luxembourgeois annonceurs, agences et autres régies dans ce paysage en mouvance?
Une étude de l'Observatoire des nouveaux médias
C'est ce qu'a étudié l'Observatoire des nouveaux médias, structure dépendant du New Media Group (Centre de Recherche Public Henri Tudor), au cours de plusieurs mois de recherches et d'investigation. De ces travaux est sortie une étude, à paraître dans le courant de l'automne, qui dépeint quelle est la place d'Internet en tant que support de communication et de publicité dans le paysage médiatique luxembourgeois et dans les media planning des agences et annonceurs, et propose un parallèle avec la situation en Europe et aux États-Unis. Un executive summary de cette étude, intitulée Internet : 6e média?, sera disponible sur le stand du CRP Henri Tudor lors de la Bureautec (stand 9 A 23).
Ce document ne prétend pas répondre à toutes les questions, mais vise à encourager le dialogue et la réflexion des acteurs du marché. Il s'appuie sur les nombreuses publications et autres sources d'information existant sur le sujet, et surtout sur le témoignage d'une trentaine d'acteurs du marché rencontrés à cette occasion: experts des médias, annonceurs, agences en communication, etc.
Il se veut une suite de la précédente étude de l'Observatoire des nouveaux médias, intitulée Le marché des nouveaux médias au Luxembourg: état des lieux, publiée en février 1999, qui avait pour ambition d'observer la réaction d'un certain nombre de secteurs (presse, édition, commerce, télécommunications) face à l'émergence des nouveaux médias. Cette étude, comprenant deux cents pages d'analyses, de tendances et de stratégies d'acteurs, a été accueillie tant par les entreprises que par l'administration comme un document de référence nécessaire à la compréhension de la situation luxembourgeoise en matière de nouveaux médias. Elle est disponible en déchargement gratuit sur le site du New Media Group (www.nmg.lu).
D'autres études seront publiées dans les mois à venir, afin de décrire l'état des marchés, les tendances, les stratégies d'acteurs en matière de nouveaux médias afin d'éclairer les professionnels et leur fournir des analyses adaptées à leurs besoins.
L'étude «Internet, 6e média?» dans ses grandes lignes
Internet fait figure de grand perturbateur dans le paysage médiatique, qui s'organise autour des cinq grands médias que sont la presse, la télévision, l'affichage, la radio et le cinéma. Partout, les annonceurs et les agences en communication s'interrogent, les médias classiques observent ce nouveau venu, qui au pire les menace, au mieux les complémente. Les investissements publicitaires sont en train d'évoluer, la répartition du budget des annonceurs entre les cinq médias et ce «sixième média» n'est pas le même dans tous les coins de la planète, et le paysage médiatique s'en trouve profondément perturbé.
C'est ce qu'analyse la première partie de l'étude de l'Observatoire des nouveaux médias qui, à partir d'une comparaison au niveau international, explique en quoi le paysage médiatique du Grand-Duché est atypique: rôle prépondérant de la presse, qui concentre 70 pour cent des budgets publicitaires, forte présence de la radio, concentration de l'audience télévisée sur une chaîne en particulier, affichage quasi-absent,... Quelle est la place d'un support comme Internet dans ce paysage? La suite de l'étude permet de le découvrir: elle propose une analyse comparée de la situation à travers le monde, en détaillant les recettes publicitaires tous médias confondus et la part de marché occupée par Internet, les types d'annonceurs, de sites supports, de publicités,...
Ces chiffres, issus de nombreuses études, permettent ainsi d'apprendre que les investissements publicitaires sur Internet se sont élevés à 1,7 milliard de dollars en 1998, dont 1,5 milliard reviennent aux États-Unis. Si la part de marché d'Internet ne représente qu'entre 0,15 pour cent et 1,3 pour cent des dépenses publicitaires globales selon les pays, les budgets consacrés à la publicité sur Internet sont en forte croissance et sont déjà en train de dépasser aux États-Unis ceux consacrés à l'affichage. L'Internet Advertising Bureau estime que si Internet continue sur sa lancée, le poids de la publicité sur ce média devrait être identique au poids de la publicité au cinéma à l'horizon 2001-2002 (aux États-Unis).
Au Luxembourg, la situation évolue très vite, et les recettes publicitaires de ce média, qui pouvaient être estimées à neuf millions de francs pour 1998, devraient être de 36 millions de francs pour 1999. La part de marché d'Internet par rapport aux dépenses publicitaires globales devrait atteindre un ratio correct de 1,3 pour cent.
L'étude se poursuit par l'analyse des moyens de promotion sur Internet (bandeaux publicitaires, sponsoring, accords d'affiliation, interstitiels, économiseurs d'écran,...) avant d'analyser les coûts de promotion, et en particulier les modèles de tarification: coûts pour mille (investissement pour qu'un bandeau soit affiché mille fois), coûts au clic, rémunération au rendement, au temps,... Comme dans la précédente partie, l'Observatoire des nouveaux médias s'est attaché à comparer les prix à travers le monde, sujet à d'importantes variations en fonction des types de sites supports et des pays.
Au Luxembourg, le marché de la vente d'espaces publicitaires sur Internet se répartit entre cinq régies, qui sont Advertising.lu, Editus, Imprimerie centrale, IPL et LO PUB. Les prix, pour les régies qui ont adopté la tarification au coût pour mille, vont de 3000 à 5000 francs (avec des dégressifs importants en fonction des volumes d'achat). La tarification au forfait (affichage du bandeau, indépendamment de la fréquentation) va quant à elle de 2000 francs par mois à 15000 francs par semaine.
L'étude montre que les prix pratiqués rendent la promotion par Internet accessible à tous les annonceurs, aussi modestes soient-ils. Ceux-ci ne peuvent alors s'empêcher d'établir une comparaison avec les budgets qu'ils consacrent aux médias classiques, et constatent qu'ils peuvent mener une campagne de plusieurs mois sur le Web pour le prix d'une annonce passant une seule fois dans un quotidien national. La question de l'efficacité (impact) des campagnes sur Internet doit alors être soulevée, et il s'avère que les annonceurs exploitent encore trop peu toutes les possibilités offertes par le média pour connaître les visiteurs de son site, cibler l'offre en fonction et ainsi maximiser l'efficacité de l'investissement. Ainsi les annonceurs ont trop souvent tendance à comparer Internet à ce qu'ils connaissent, et à ne regarder que le taux de clics (pourcentage de personnes arrivées sur le site grâce au bandeau) comme critère de réussite de leur campagne, faute d'autres moyens de calcul du retour sur investissement.
La seconde moitié de l'étude est le résultat des trente entretiens menés avec les acteurs du marché, répartis en trois grandes catégories: les annonceurs, les régies et sites supports et les agences en communication. La stratégie de chacun de ces acteurs est décrite dans l'étude.
En matière de régies, il est intéressant de constater que des acteurs de corps de métier très différents se répartissent le marché: des développeurs de sites, des éditeurs, des imprimeurs, des régies traditionnelles qui se reconvertissent sur les nouveaux médias, des éditeurs d'annuaires. Les stratégies en matière de positionnement, de constitution du bouquet de sites, d'offres commerciales, de types de publicité, d'annonceurs et l'opinion en matière de certification d'audience vont nécessairement varier en fonction des interlocuteurs.
Une dizaine d'annonceurs de secteurs aussi variés que l'automobile, la banque, l'alimentation ou la téléphonie mobile a été rencontrée dans le cadre de cette étude. Là encore, les points de vue varient énormément en fonction des acteurs, qui n'ont pas les mêmes motivations pour annoncer en ligne (augmentation des ventes, image de marque, communication auprès de cibles particulières, etc.). Deux ratios particulièrement intéressants ont pu être analysés: le rapport entre le budget de création du site Internet et celui pour sa promotion (tous médias confondus), et la part consacrée à Internet dans le budget de communication. D'autres questions telles que la mesure de l'impact des campagnes, le choix des sites supports ou des prestataires ont également été soulevées.
Les agences en communication, intermédiaires entre annonceurs et régies, sont au cur du débat et ont un important rôle de sensibilisation à jouer auprès de leurs clients. Même si toutes s'entendent pour dire qu'Internet ne doit pas être négligé et qu'il prendra une importance croissante dans les plans médias des annonceurs, toutes ont des approches différentes pour se lancer dans la bataille. Internet est selon les cas considéré comme un média complémentaire ou primordial, une occasion de se reconvertir ou de se diversifier. Le plus flagrant est certainement le manque de prise de conscience par les agences de la menace d'acteurs spécialistes des nouveaux médias.
Aujourd'hui, comme le montre l'expérience d'autres pays lancés plus tôt dans la bataille, annoncer sur Internet ne tient plus du mythe. Les structures et les outils sont en place, et le ticket d'entrée reste modeste. Et même si de nombreuses questions demeurent encore ouvertes, c'est maintenant qu'il faut se lancer dans l'aventure.
Le Luxembourg, qui a commencé plus tard que ses voisins, est désormais bien rentré dans la course pour exploiter au maximum ce média comme un outil de communication. Le marché est en train de se structurer, les annonceurs et leurs agences ont pris conscience des potentialités du média et y pensent de plus en plus systématiquement dans leurs stratégies de communication. Aujourd'hui, Internet est en droit de revendiquer sa place de 6e média.
L'auteur est responsable de l'Observatoire des nouveaux médias du New Media Group (Centre de recherche public Henri Tudor) (www.nmg.lu)