Ce que je prends au petit-déjeuner
Je commence par un café plutôt léger, mais bien aromatique, que je prépare dans une machine et qui va réveiller toute la maison par son parfum. Je passe ensuite à une autre machine et je fais un expresso très serré. Là tout est manuel et prend un certain temps : chauffer la tasse, laisser respirer les grains de café, les moudre, ajuster la pression, la température, l’eau et laisser couler doucement, tout doucement… C’est un rituel matinal essentiel pour moi, comme celui d’accompagner ce café par la lecture d’un poème. Après viennent d’autres cafés !
Ma première œuvre d’art
Il y a certainement d’autres exemples, mais celui auquel je pense souvent en ce moment, c’est quand j’avais 16 ans et que j’ai voulu avoir mon premier atelier, mais que mes parents n’avaient pas la place nécessaire. Avec l’argent d’un job d’été, j’ai acheté une cabane de jardin que j’ai installée avec l’aide de mon père sur notre petite terrasse du troisième étage. Une fois la cabane aménagée, je n’y ai jamais mis les pieds. Jusqu’à aujourd’hui je n’ai toujours pas d’atelier proprement dit. C’est certainement ma première œuvre d’art que je pourrais définir comme étant conceptuelle et contextuelle, impliquant un déplacement et une temporalité précis. Je comprends aujourd’hui que c’est le processus et l’idée qui m’avaient fascinés. Cette cabane en bois de quatre mètres carré, est toujours là, elle prolonge l’espace de vie de la maison vers l’extérieur. C’est ce qui m’intéresse : ouvrir de nouvelles façons d’habiter les endroits par lesquels on transite.
La raison pour laquelle je fais de l’art
Une nécessité.
Ce que je fais mis à part de l’art
Pour moi rien n’est à part de l’art, mais considérons que marcher, lire, écrire, penser, discuter, divaguer, errer, voyager et passer beaucoup de temps avec ma famille et amis autour de bons repas sont des pratiques corollaires à l’art.
Les rapports entre mon art et ma vie
Indissociables.
Ce que j’aime le plus dans le processus créatif
Le processus créatif est le moment de tous les doutes, de tous les possibles, de toutes les incertitudes. Tout est alors encore ouvert et disponible pour accueillir et redistribuer du sens. Le processus créatif est l’hospitalité de l’œuvre, l’instant, où tout arrive, où rien n’est fermé, ni stable. Tout bouge et se déplace à ce moment-là, un souffle essentiel s’installe. Il y a une sensibilité plus profonde qui maintient la respiration en suspens. J’aime que le processus créatif soit l’œuvre en soi, qu’elle garde une temporalité propre, pour pouvoir réagir à son environnement.
Ce que j’aime le moins dans le monde de l’art
L’arrogance et la supériorité.
Est-ce que l’art a des limites ?
Les limites sont toujours poussées, elles se déplacent. Elles sont surtout des barrières mentales qui, pour être dépassées, doivent être expérimentées et remises en question, il en va de même pour l’art.
Mon occupation préférée
Manger et passer le plus de temps que possible dans la cuisine.
Mon drink préféré
Un verre de whisky tard le soir, voire devant le soleil qui se lève.
Ce que je fais quand je ne suis pas inspiré
J’aime sortir, errer, être dehors, aller voir des expositions, des spectacles et passer beaucoup de temps dans les librairies et les brocantes. Mais surtout, quand je suis chez moi, j’aime passer beaucoup de temps dans ma cuisine, manger, ranger, préparer des plats, surtout en famille… J’aime toutes les activités de la cuisine – préparation, nettoyage, rangement. Tout cela m’inspire dans les gestes essentiels, qui font sens et sont nécessaires. Ces gestes m’aident à mettre en place et ordonner ma pensée. C’est pour moi aussi jouissif que d’aller me promener.
Ma drogue préférée
Sans hésitation le café et les plats exceptionnels de Keong-A, ma crocodile !
Mon mot préféré
Infini.
Le mot que je déteste
Apathie.
Ma langue préférée
Le portugnol que je ne maîtrise que très vaguement. Toutes les langues qui se produisent dans les régions où deux ou plusieurs langues coexistent.
Mon rapport au temps
Jorge Luis Borges le résume parfaitement dans son essai Une Nouvelle réfutation du temps. « Le temps est la substance dont je suis fait. Le temps est un fleuve qui m’emporte, mais je suis le fleuve ; c’est un tigre qui me déchire, mais je suis le tigre ; c’est un feu qui me consume, mais je suis le feu ».
Le rôle du corps dans mon travail
Tout passe par le corps, sa mesure, son échelle, son action. Mon travail développe une série de gestes performatifs où le corps est au centre mais agit dans l’intimité de son action. Mon travail en est la trace. Le corps forge le travail, il est le processus et le matériau même, et il disparaît à un moment donné pour laisser l’œuvre exister. Reste cette présence de son absence qui donne à mon sens toute l’intensité que je recherche dans ma pratique.
Le rôle de la politique dans mon travail
Dans mon travail la politique n’est jamais traitée frontalement, mais elle apparaît dès que l’on s’intéresse plus en profondeur au travail et qu’on creuse pour trouver d’autres couches de sens. Tout travail est par essence politique. On n’est jamais neutre par rapport aux contextes dans lesquels le travail est mis en circulation. Dès qu’un travail devient public et commence à exister, il devient une prise de conscience sociale, une pensée politique.
Le rôle de la couleur dans mon travail
S’il y a de la couleur, c’est à des moments très précis, parce que l’œuvre le nécessite. Cela peut être des nuances de bleu ou de rouge par exemple, qui évoquent la matière travaillée à ce moment-là.
Le rôle de la nature dans mon travail
Mon travail entretient un lien constant avec les éléments naturels. J’utilise comme matière première le feu, la neige, l’eau de mer, le sel, le vent, le soleil, l’humidité, la terre… Tous ces éléments sont présents, la plupart des fois de manière invisible et impalpable, mais ils restent la matière principale. La nature est aussi mon atelier à ciel ouvert, où j’expérimente et laisse pousser les idées.
Le rôle du monde des idées dans mon travail
Je suis passionné par la découverte du monde des idées et par plusieurs champs de recherche, comme la philosophie, la science, l’anthropologie, la biologie… Cela m’incite à développer de nouveaux rapports sensibles au vivant.
Le rôle des modes du monde de l’art dans mon travail
À contre-courant.
La matière avec laquelle je n’ai jamais osé faire d’œuvre
Le chant (avec ma propre voix).
Mes artistes favoris
Piero Manzoni, Felix González-Torres, André Cadere, Cildo Meireles, Gustav Metzger, Lygia Clark, Ana Mendieta, Bas Jan Ader, Alighiero Boetti, David Hammons, Pierre Huyghe, Lawrence Weiner, Marcel Broodthaers, Francis Alÿs, Hélio Oitivia, Gabriel Orozco, Remy Zaugg, Carlo Scarpa, Bruno Latour, Tim Ingold, Étienne Klein, Bruce Chatwin, Anne Carson, Luiza Neto Jorge, Isabelle Stengers…
Mon son préféré
Celui des vagues, de la mer.
Le son que je déteste
Le bruit du vol d’une mouche (surtout quand je suis prêt à m’endormir).
Ma proposition artistique dans la perspective de l’histoire de l’art
Forever Immigrant.
Les fautes qui m’inspirent le plus d’indulgence
Oublier le nom d’une personne.
La manière de faire ou la chose faite ?
Sans hésitation la manière de faire, d’être là avant, pendant tout le long, sans savoir forcement si l’on arrivera à la chose faite.
Ce qui pour moi est inacceptable
Baisser les bras.
L’animal ou la plante dans lequel je voudrais être réincarné(e)
Un poulpe ou un oiseau. L’idéal serait un poulpeau.
Le lieu où je ferais une œuvre si j’avais une baguette magique
La Lune.
Mon état d’esprit actuel
Vivant et cosmique..