Namur

Le déclin de la maison

d'Lëtzebuerger Land du 16.03.2018

Les temps sont durs pour la famille Nickels, qui gère la pâtisserie Namur en sixième génération. La décennie passée aura été une longue saignée. Le registre de commerce et des sociétés en établit l’historique médical. Sur six ans, les pertes se sont cumulées : 304 000 euros en 2006, 1,3 million en 2007, 1,5 million en 2008, 562 000 en 2009, 590 000 en 2010 et 260 000 en 2011. (Pour un chiffre d’affaires annuel qui tourne autour de dix millions d’euros.) Entre 2012 et 2014, Namur sortira un court moment du rouge et renouera avec les bénéfices : 18 000 euros en 2012, 48 000 en 2013 et 65 000 en 2014. En 2015 et 2016, l’entreprise replongera, affichant des pertes de 184 000, respectivement 12 000 euros.

Si la vieille dame de la pâtisserie luxembourgeoise continue à plus ou moins s’en sortir, c’est grâce à l’ancien allié Cactus. (Commercialement, les Leesch et Nickels sont liés depuis le premier agrandissement de la Belle Étoile en 1984.) Le bilan pour l’année 2010 l’avait indiqué : Pour augmenter les recettes, l’entreprise devrait utiliser « de nouveaux canaux de distribution », y lisait-on. Dès mars 2012, la glace artisanale de Namur se retrouvait dans les rayons Cactus.

Depuis quelque temps déjà, Max Nickels, le directeur de la maison Namur, se fait approcher par des personnes bien-intentionnées qui, la mine compatissante, lui demandent s’il compte vraiment vendre l’entreprise familiale à Cactus ou à Panelux. « Ces rumeurs sont totalement infondées, dit Nickels au Land. Il n’y a jamais eu de telles discussions ». (Un démenti confirmé par Carole Muller, l’administratrice déléguée de Fischer.) Le début de la spirale négative, Max Nickels le rétro-date à la crise de 2008. En octobre 2007, Namur avait emménagé dans de nouveaux et somptueux ateliers dans la zone d’activité de Hamm. Le nouveau siège comprend trois salons qui peuvent contenir jusqu’à 360 personnes assises et qu’Explorator décrit comme « uber-contemporary ». Or, avec la crise, les chantiers autour sont mis à l’arrêt et le parc de bureaux tarde à prendre forme. « À un moment, moins de personnes y travaillaient que lorsque nous avions emménagé, dit Max Nickels. Nous disposions donc d’un outil de travail tip-top, mais notre business plan ne se réalisait pas comme prévu. »

Le bilan pour 2008 montre à quel point le chiffre d’affaires réalisé initialement à Hamm fut décevant : seulement 953 000 euros sur une année. Moins que dans la rue de l’Alzette à Esch (960 000 euros) ou dans l’avenue de la Liberté (1,1 million), sans parler de la Belle Étoile (1,6 million) et de la rue des Capucins (2,2 millions). Pourtant, ces magasins sont dotés d’un salon de consommation sensiblement plus petit que ceux à Hamm. (Les bilans postérieurs à 2008 renonceront à une telle décomposition par magasin « parce qu’elle est susceptible de porter préjudice à la société ».) En attendant les employés de bureau, Namur pouvait au moins compter sur les endeuillés cherchant une consolation « Ham, Fritten an Zalot ». Le crématoire se trouve en effet à quelques centaines de mètres.

Mais, alors que la croissance économique et démographique bat son plein, l’explication de Max
Nickels ne convainc qu’à moitié. La confiserie Namur semble en effet prisonnière de sa tradition, condamnée à fournir des sensations proustiennes à une clientèle recherchant les goûts de son enfance. Mais maintenir une telle palette, qui doit couvrir des décennies d’histoire en confiserie, est coûteux. Max Nickels estime que « c’est toujours triste de supprimer un produit, mais nous devons rationaliser notre gamme. » Par exemple ne garder en crème au beurre que la fraise et le moka ; et laisser de côté les autres goûts ». Mais il évoque également la « difficulté de créer un nouveau hit », comme l’étaient le Mont-Blanc, la bavaroise aux framboises ou le croustillant.

Quant aux magasins, dont le charme suranné des années 1990 peine à convaincre, il faudrait en revoir le concept. Le salon de consommation rue des Capucins peut ainsi accueillir plus de cent personnes, mais reste à moitié vide durant les après-midi, le rituel du « Kaffee und Kuchen » s’étant perdu. Étonnamment, à côté d’une implantation dans le nouveau Cactus d’Esch-Lallange (qui pourrait voir le jour début 2022), Namur planifie également d’ouvrir un grand point de vente dans l’agglomération de la Ville de Luxembourg. Une tentative de sortir de la crise par le haut ; au risque de se casser le cou.

Bernard Thomas
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