Financement des retraites

L’héritage au secours des retraites

d'Lëtzebuerger Land du 03.01.2014

Dans le monde, près de la moitié des personnes actives prévoient de financer leur retraite, au moins en partie, grâce à un patrimoine reçu en héritage. C’est la principale conclusion de la dernière étude de la banque HSBC, qui a déjà publié depuis 2005 plusieurs documents sur « L’avenir des retraites », fondés sur des enquêtes réalisées dans 15 pays.

Au regard du financement des systèmes de retraites, ces pays sont dans des situations extrêmement variées, en raison notamment de leurs démographies, mais des points communs existent néanmoins. 43 pour cent des actifs interrogés s’attendent à recevoir un héritage. La proportion varie du simple au double entre le Mexique (29 pour cent) et l’Inde (59 pour cent). Dans les pays asiatiques en fort développement (Singapour, Hong-Kong, Taïwan), les taux, compris entre 34 et 38 pour cent, sont inférieurs à la moyenne, mais ils sont plus élevés dans certains pays anglo-saxons (cinquante pour cent au Royaume-Uni et en Australie).

Un actif sur deux pense recevoir une somme supérieure à 43 200 dollars US. L’écart va de un à onze si on considère les deux pays extrêmes, l’Australie (132 000) et l’Egypte (12 800), mais il est trompeur, car les niveaux de vie sont évidemment très disparates. Si on rapporte les montants évoqués au revenu moyen, ce que l’étude HSBC ne fait pas, on voit apparaître une hiérarchie des pays fort différente de celle établie à partir des montants en dollars (voir encadré).

En retenant le PIB par habitant comme approximation (grossière) du revenu moyen annuel, on remarque que dans les pays les plus développés d’Europe, d’Amérique et d’Asie-Pacifique, le legs médian attendu représente entre une et deux années de revenus, ce qui est appréciable mais somme toute modeste eu égard au nombre d’années de retraite à financer.

En revanche dans les pays émergents, le montant attendu représente trois à quatre années de revenus, avec des pointes à plus de sept ans en Chine et surtout à plus de quatorze ans en Inde.

Ces calculs permettent de mieux comprendre le poids que peut prendre l’héritage dans le financement des années de retraite, surtout si l’on considère que dans la totalité des pays étudiés (à l’exception notable de la France), et notamment en Asie, il est principalement fondé sur un effort individuel d’épargne.

Il n’est pas étonnant, dans ces conditions, qu’environ les trois quarts (72 pour cent) des répondants estiment que cet héritage couvrira une partie de leurs besoins pendant leur retraite, et même un actif sur dix pense qu'il les financera dans leur intégralité (un sur cinq en Inde).

Quoi qu’il en soit, le rapport HSBC estime que les actifs ont bien raison d’attendre un héritage car un autre volet de l’étude, réalisé cette fois auprès des retraités (dans treize pays), montre que ces derniers sont de plus en plus nombreux à envisager de laisser un patrimoine à leurs enfants.

Près de sept retraités sur dix (69 pour cent) sont désormais dans ce cas, avec d’importantes disparités selon les zones géographiques : les habitants de l’Inde, du Mexique et du Brésil sont les plus susceptibles de léguer un patrimoine, avec respectivement 86, 84 et 71 pour cent des répondants. En comparaison, ils ne sont que 56 pour cent aux États-Unis et 57 pour cent au Canada, qui figurent pourtant parmi les pays les plus riches. En dehors de facteurs culturels, la différence provient du niveau d’endettement, plus important en Amérique du nord.

Disparités également en termes de montants : si un legs sur deux dépasserait les 148 200 dollars US (22 pour cent étant même supérieurs à 390 000 dollars), le montant médian consenti par les Australiens (502 000 dollars) est treize fois supérieur à celui des Malais. Les retraités de Singapour (371 000 dollars) et ceux du Royaume-Uni (284 000) sont également généreux.

Mais, à nouveau, il est utile de présenter ces montants par comparaison aux revenus des habitants du pays. On retrouve alors les mêmes conclusions que précédemment.

Dans les pays les plus développés, le legs envisagé représente de 3,3 à 7,4 années de revenus moyens. Dans les pays émergents il est plus élevé : dix à douze ans, l’Inde se distinguant encore avec quelque 32 années !

Les sommes à léguer sont logiquement plus importantes que celles attendues (3,4 fois, au niveau mondial) puisqu’elles peuvent être partagées entre plusieurs ayant-droits, eux-mêmes sans doute plus nombreux dans les pays émergents que dans les pays développés (à l’exception de la Chine). Elles constituent néanmoins un appoint appréciable, d’autant plus que 39 pour cent des retraités ont indiqué que le patrimoine qu’ils transmettront finalement sera plus élevé (de 42 pour cent en moyenne) que celui qu’ils envisageaient au moment de leur départ en retraite.

Pour financer leurs retraites futures, les actifs ne sont pas obligés d’attendre une succession, et peuvent aussi compter sur des aides financières des membres de leur famille. Un quart des actifs interrogés dans le monde ont déjà reçu des dons et seize pour cent des prêts de la part de proches : au total 38 pour cent ont reçu de l’argent, sous une forme ou sous une autre, pour un montant médian d’environ 13 000 dollars (un sur deux, parmi les heureux bénéficiaires, a donc touché plus).

C’est au Brésil, en Égypte et surtout en Inde que les dons sont les plus répandus, en proportion des répondants, les Mexicains recevant davantage de prêts.

En valeur relative, ces sommes représentent entre quatre mois et un an de PIB par habitant dans onze pays sur quinze, mais en Chine et en Inde elles pèsent beaucoup plus lourd, respectivement 2,8 et 6,8 années.

Cela dit, ces aides ne sont pas vraiment destinées à permettre d’épargner plus pour la retraite. Seuls 36 pour cent des receveurs considèrent que cela leur a facilité la tâche, 39 pour cent n’éprouvant aucun changement à cet égard. Et pour cause : l’argent obtenu sous forme de dons et prêts est plutôt consacré au financement d’évènements familiaux, à l’achat de voitures, aux frais d’éducation des enfants, aux dépenses de logement, au remboursement de dettes et souvent aussi aux dépenses de la vie courante. Avec, bien entendu, d’importantes disparités selon les pays. En Chine, la moitié des bénéficiaires consacrent ces sommes au logement (paiement de loyers ou règlement des échéances de prêts). Un tiers des Mexicains en profitent pour rembourser leurs dettes tandis qu’un quart des Britanniques les emploient à des dépenses courantes.

Les sommes données ou prêtées viennent souvent des retraités, dont 45 pour cent ont déclaré aider de manière « significative » un membre de leur famille, ou prévoient de le faire prochainement. En retour, la moitié des actifs s’attendent aussi à devoir procurer (y compris lorsqu’ils seront eux-mêmes à la retraite) une aide financière à leurs proches. Si l’aide aux enfants est la plus souvent citée (par un tiers des répondants), celle aux parents dont les retraites sont trop modestes est évoquée par 18 pour cent

C’est sans doute pour cela que les retraités sont, en proportion, aussi nombreux que les actifs à recevoir des dons (mais ils ne sont que neuf pour cent à bénéficier de prêts) pour un montant médian bien plus élevé, qui est de 21 000 euros au niveau mondial. Les pays asiatiques arrivent très largement en tête. Pour la proportion de bénéficiaires d’abord : environ le tiers des retraités chinois, singapouriens et malais, et plus de la moitié des pensionnés indiens perçoivent des libéralités et des prêts. Pour les montants ensuite : quatre ans de revenus à Taiwan, six ans et demi en Chine et jusqu’à 23 ans en Inde, alors qu’ils ne pèsent que trois à six mois dans les pays occidentaux, en Australie et au Brésil.

Georges Canto
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