Dieu est un fumeur de havanes est une exposition que le Mudam nous propose actuellement autour du thème des croyances illustré à travers des œuvres de sa collection. Cette belle exposition thématique de taille moyenne installée au premier étage du musée offre de l’intérêt. Et cela pour plusieurs raisons.
Premièrement, par le sujet choisi, car il est suffisamment rare en ce moment dans des expositions muséales, et que ce manque suscite nécessairement un engouement. C’est à se demander si ce type de sujet fait peur aux institutions de nos jours. Rares sont les expositions d’art qui traitent exclusivement de religions, de cultes et de croyances. Pourquoi ? La crainte de tomber dans des débats houleux ? De ne pas faire l’unanimité ? Ou bien par un réel manque d’intérêt des directeurs et curateurs pour ce sujet ? Ont-ils perdu la foi ? Dommage…
C’est un sujet qui me semble d’autant plus intéressant par le lien qu’il tisse avec notre actualité et des débats de société. Le scepticisme grandissant sur l’association de l’Église et de l’État dans notre pays catholique, le déclin général de la foi, ou encore la prédiction de la fin du monde par les Mayas pour le 21 décembre. Superstition ou vérité ? Nous le verrons bien. Et pourtant, la recherche de la vérité et la quête de sens de notre existence n’ont jamais été aussi présentes dans nos esprits. Est-ce que Dieu est bleu comme le proclame le pseudo prophète Sébastien Tellier (My God is Blue est le titre de son dernier album) ? Ou notre créateur se cache-t-il sur une planète rocailleuse et fomente notre destruction car il regrette notre création (c’est le scénario du film Prometheus de Ridley Scott) ?
Deuxièmement, l’exposition traite des différentes croyances dans différentes cultures à différentes époques. Ce qui ne peut que l’enrichir. Les œuvres sont souvent très belles, comme les films en seize millimètres de João Maria Gusmão et Pedro Paiva. Des micro-récits chamaniques et magiques propices aux rituels. Une danse avec un serpent, un squelette animal en mouvement, l’exploration d’une cavité rocheuse à la lueur d’une main enflammée… Séquences étranges et paranormales rappelant des rites ancestraux. Les photographies de cieux constellés de Trevor Paglen ne peuvent que convaincre d’une force supérieure et d’une puissance mystérieuse ! L’origine du monde, l’anthropologie et l’archéologie sont vues dans l’installation de Christian Andersson, une remontée dans le temps où artefacts et objets contemporains se mêlent et recomposent par associations une possible chronologie.
De belles surprises habitent l’exposition, avec entre autres, l’installation hypnotique de Francisco Tropa (Lantern), qui projette l’image d’un ailleurs imaginé, un paysage ou l’icône d’une divinité qu’on pourrait adorer, une adoration mystique évoquant à la fois infiniment grand et infiniment petit… qui pousserait presque à prier au musée ! Les pépites sont incarnées par les photographies de Pieter Hugo, fantomatiques, effrayantes, intrigantes… ou encore la sculpture du camerounais Pascale Marthine Tayou, une idole de verre sur un totem composé de matériaux de récupération.
Enfin, cette exposition est également une bonne occasion de redécouvrir ou de découvrir des œuvres de la collection du musée. Le fétichisme est traité dans le choix des photographies de Kyoichi Tsuzuki, les Happy Victims s’entourant de leurs vêtements préférés, le dieu capitaliste de la surconsommation. Mais aussi dans une photographie monumentale de Candice Breitz où posent un groupe de jeunes gens gothiques fans de Marylin Manson en quête de réconfort et d’appartenance à une communauté. L’observation scientifique cherchant à expliquer l’univers se retrouve dans la sculpture de Björn Dahlem The Expanding Universe (Big Bang) offrant une modélisation du Big Bang, phénomène cosmologique à l’origine de l’univers dont la découverte a révolutionné notre compréhension du monde.
Nous sommes bien sûr face à une sélectivité subjective dans cette exposition, tout n’est pas traité. Mais le choix soigné se suffit à lui-même pour explorer les différentes perspectives de la thématique. Soulignons cependant la longue durée (près de six mois !) de l’exposition et posons-nous la question de savoir si une telle éternité est justifiée. Enfin, un ultime questionnement me vient à l’esprit et s’adresse aux détracteurs d’« expositions thématiques » : cette exposition prouve que ce type d’approche scientifique fonctionne encore.
Christian Mosar
Kategorien: Zeitgenössische Kunst
Ausgabe: 30.11.2012