« Je n’ai jamais été avec vous dans aucune chambre », répond la jeune femme dans le film d’Alain Resnais à l’inconnu qui voudrait la persuader qu’il l’a déjà rencontrée : l’année dernière à Marienbad. La femme, sans autre nom, est interprétée dans le film qui a reçu le Lion d’or à la Mostra de Venise en 1961, par Delphine Seyrig, morte trop tôt en 1990, il reste cette part de mystère inhérente à chacune de ses apparitions, il reste la mélodie particulière de sa voix, d’une même nature éthérée. L’homme à l’accent italien, c’est Giorgio Albertazzi, et on se rappelle l’autre acteur majeur, Sacha Pitoëff, et bien sûr les parties du jeu des bâtonnets popularisé par le film, dont il a pris le nom.
Marienbad (bien que le film ne fût pas tourné dans la station thermale tchèque, mais en Bavière et à Paris), le nom continue à résonner dans la mémoire. Avec les images qui s’y rattachent, entre vérité et mensonge, à chacun de décider (liberté qui a beaucoup perturbé les cinéphiles) qui dit vrai, qui a tort, ou simplement de se laisser aller à l’envoûtement, se souvenir toujours du temps des aubades, comme le chantera Barbara.
L’Opéra de Paris fête son 350e anniversaire. C’est dans une loge du Palais Garnier, parmi les lambris, les ors, que voici l’apparition renouvelée, mystérieuse, électrique, d’une jeune femme blonde ou brune, dans une tenue argentée ou à plumes. Dans Marienbad, Delphine Seyrig avait les cheveux bruns, dans les Lèvres rouges, film de Harry Kümel, dix ans plus tard, en 1971, elle était blonde, énigmatique comtesse inspirée d’Elisabeth Bathory, descendue dans un grand hôtel désert à Ostende, fantôme dans lequel le réceptionniste semble reconnaître une femme déjà venue quarante ans avant, pas de ride, toutefois, pas d’emprise du temps.
Marienbad Électrique, pendant l’été l’Opéra de Metz a été le lieu de ces apparitions fugaces, à l’occasion de l’exposition Opéra Monde. La quête d’un art total, qui, elle, reste ouverte au Centre Pompidou-Metz jusqu’au 27 janvier 2020. À Paris, l’œuvre de Dominique Gonzalez-Foerster, il faut quand même mentionner son auteure, restera visible avant le début ou à l’entracte de chaque représentation jusqu’au 31 décembre 2019 (elle l’avait été aussi en été dans le cadre des visites du Palais Garnier).
Le titre de l’œuvre lui vient d’un livre d’Enrique Vila-Matas, texte paru aux Éditions Bourgois qui avait accompagné l’exposition de Dominique Gonzalez-Foerster au Centre Pompidou, à Paris, cette fois-là, à la fin de l’année 2015. Film, livre, et leur prolongement dans cette loge, autant de labyrinthes où se perdre, jeux de miroirs entre artistes auxquels le spectateur, le lecteur sont invités. « J’ai pensé à une poésie de la présence et à de fugaces impressions renvoyant à des nœuds de connexion entre le passé et le présent… »