Knock Knock

Noël derrière la porte

d'Lëtzebuerger Land du 20.12.2013

Londres est en émoi : le Ruby du Prince Farouk a été volé ! Scotland Yard est dans l’impasse et décide de faire appel au célèbre détective Hercule Poirot. Le privé belge parviendra-t-il à déjouer les pièges qui l’entourent et à résoudre l’énigme ? Peut-être sera-t-il aidé dans sa tâche par ce sibyllin billet glissé dans sa poche par un inconnu : « Ne mangez pas une miette du plum-pudding. Quelqu’un qui vous veut du bien »...

Dans le cadre du théâtral Art Café, rue Beaumont, dans le centre-ville de Luxembourg, jouxtant le Théâtre des Capucins, une petite troupe haute en couleurs a pris place au milieu des convives attablés pour un apéritif ou un chocolat chaud, bienvenu en ces temps pré-hivernaux. La troupe, ce sont les acteurs de la Ligue d’improvisation luxembourgeoise, entourés du comédien Alain Holtgen, son directeur artistique, et chapeautés par Sonja Neuman. La metteure en scène rattachée au théâtre du Centaure s’est amusée à piocher dans des nouvelles peu connues d’Agatha Christie, réunies dans le recueil Christmas pudding. Une histoire de circonstance pour la participation de cette joyeuse troupe à Knock Knock.

Knock Knock, c’est un calendrier de l’avent très spécial, initié et produit par l’association États d’urgence. Logé dans les locaux de la Banannefabrik à Bonnevoie, ce collectif réunit notamment Maskénada, le théâtre du Centaure et le Centre de création chorégraphique luxembourgeois Trois C-L. Le principe de Knock Knock ? Vingt-quatre courtes performances d’un quart d’heure à vingt minutes, dansées, chantées, contées... Chaque soir, les artistes ont quartier libre pour animer un lieu différent de la capitale. Place d’Armes, grande synagogue, marché de Noël, Casino–Forum d’art contemporain, Villa Vauban... Les spectateurs sont invités à frapper à la porte, matérialisée par une mini-arche faite de deux pans de rideaux rouges ourlés de fourrure blanche : « knock knock ! » On passe la porte, on s’avance vers la surprise...

À l’Art Café, pour Sonja Neuman, « l’idée était de déplacer le théâtre dans un lieu original », de le faire sortir de la scène classique pour venir à la rencontre du spectateur. Le metteur en scène Lol Margue, lui, a créé un petit bijou d’humour et d’absurde autour de la question de l’identité luxembourgeoise. Dans le réduit du Fort Rubamprez, vestige de la forteresse de la ville, ancienne réserve de munitions transformée en salle de répétition pour les danseurs de l’Institut national des sports, le comédien Claude Engleberg et le jeune gymnaste Rick Husinger interprètent un singulier duo muet mais musical. Le costaud et le fin jeune homme enchaînent les figures dans lesquelles le premier prend le dessus sur le second, qu’il déplace comme un pantin mais qui finit par maîtriser le géant, lui fermant la bouche quand il entonne l’hymne national luxembourgeois. Une drôle de variation amplifiée par les jeux de miroirs du lieu qui interroge la devise du pays : « Mir wëlle bleiwe wat mer sinn » (« Nous voulons rester qui nous sommes »).

À l’autre bout de la ville, dans les frimas sous le kiosque de la Place du Parc de Bonnevoie, Cécilia Guichart s’est emparée, de son côté, des Lettres du Père Noël de J.R.R. Tolkien, l’auteur du Seigneur des anneaux. De savoureux récits de Noël que l’écrivain a écrit pour ses enfants entre 1920 et 1942, censés provenir du fameux barbu. La comédienne souhaitait un univers riche, presque fantastique, qu’elle a trouvé avec cette œuvre, dont elle parle avec enthousiasme : « Le livre est un trésor, richement illustré, et drôle. Par moments, le personnage de l’Ours polaire, complice du Père Noël, s’incruste dans le dessin et y va de ses commentaires... » L’ouvrage comporte aussi des références historiques, à travers le récit des batailles avec les gobelins : « Dans les lettres d’après la première guerre mondiale, le Père Noël explique l’absence de cadeaux, une année, par les démêlés avec les gobelins. J’ai pensé que c’était une jolie explication à la pauvreté que la famille devait subir à cette période... »

Ce soir-là, malgré le froid, emmitouflée dans sa doudoune, la comédienne enchaîne les lectures, récit épistolaire d’un conte de Noël. Les spectateurs ne sont pas très nombreux, mais captivés, installés en chapelet le long de l’arrondi du kiosque. Une habitante du quartier, venue avec sa grande fille, confie à l’artiste : « Merci pour cette lecture, c’était formidable, vous m’avez fait rêver ! » L’esprit de Noël souffle à travers la ville...

Knock Knock, une coproduction d’États d’urgence, Maskénada, le Théâtre du Centaure, le Théatre national et Trois C-L ; jusqu’au 24 décembre dans différents lieux de Luxembourg-ville ; pour les horaires et les lieux : www.knock-knock.lu.
Sarah Elkaïm
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