Voir, depuis la rue Notre-Dame, des paysages réalistes, d’allure locale, mais rendus étranges par l’utilisation de la couleur rouge, cela a de quoi décontenancer. Pour cette deuxième partie de leur première exposition de groupe, Julie Reuter et Lou Bausch ont choisi de mettre en avant un artiste autodidacte de 59 ans, le luxembourgeois Arny Schmit.
On peut ne pas aimer, ni les paysages de forêt primitive, de couleur naturelle, verte cette fois qui suivent, où, à sa manière, Arny Schmit signale la présence humaine en insérant des petits carrés de céramique (peints), en éclairant son idylle d’un néon blafard. L’ancien greffier avait déjà eu une exposition à la galerie Nei Liicht à Dudelange à l’automne 2020 (d’Land du 6.11.2020), réputée pour être un tremplin vers le marché. Voilà, c’est fait et ça marche nous confirme la nouvelle galeriste.
Après un passage éclair comme conservateur, ce qu’elle est de formation, au Lëtzebuerg City Museum, celle qui a fait ses classes à la galerie Nosbaum Reding, a choisi de suivre, avec son compagnon Lou Bausch (voir d’Land du 03.12.2021), sa vraie passion : ouvrir une galerie d’art contemporain. Spontanément, on s’était dirigée vers le fond de la galerie dont l’espace est suffisamment grand et en longueur pour faire, même dans un accrochage de groupe, des présentations individuelles, vers le travail de Thierry Harpes, un autre artiste luxembourgeois.
Celui-là n’a que trente ans et, s’il est attiré par le Midi (il songe à s’installer à Arles), c’est à Luxembourg, au retour de Berlin où il résidait et a étudié, qu’il a réalisé la série Erem eraus. Oui, voici des fenêtres ouvertes. Bien sûr, inévitablement elles font penser que la pandémie actuelle, depuis deux ans, nous a bien tourmentés et fait rêver de liberté. Nous avons nous surtout pensé aux fenêtres ouvertes de Bonnard et à un Matisse handicapé mais toujours actif sur la fin de sa vie. D’ailleurs, Thierry Harpes évoque dans un des tableaux de la série, une image de sa vie personnelle avec le fauteuil roulant de son grand-père. Mais les teintes chaudes, ocre, rose, jaune et puis ces autres parties rouges et bleues, c’est l’avenir que Thierry Harpes s’imagine au soleil. Avec vue, à travers le fer forgé des garde-corps typiquement français… Alors nous référer à Matisse, il y a pire comme inspiration pour un jeune peintre qui se montre habille, aussi bien dans les tableaux plus construits (open premises qui ont encore été réalisés à Berlin).
Julie Reuter se prend le temps de vous accompagner, de vous montrer comment, dans une série d’acryliques sur plexiglas, Thierry Harpes travaille ses tableaux couche par couche. Ce qui donne de la profondeur, aussi à ses acryliques sur toile et sur bois. Mais c’est surtout l’explication du travail du français Pascal Vilcollet qui nous a étonnée. On a pensé au premier abord à des graffiti réalisés au spray. Pas du tout. Pour réaliser ses écritures, le peintre imbibe la toile recouverte de peinture, d’acétone. C’est ce qui donne au fond cet effet de couleurs dégradées, jaune, orange, rose, un superbe bleu et un gris profond. Sur ce support mouillé, il a laissé courir sa main et les crayons gras, comme de la musique, spontanée, toute en joie.