Le café pop-up de Steve Krack et Silvano Vidale s’est installé dans une ancienne menuiserie à Bonnevoie. Nos deux compères ont intitulé le lieu « L’Amicale des Amis » dont les piliers (terme d’architecture bienvenu !) sont quelques architectes, graphistes et designer de la scène locale. En attendant la démolition du site pour une autre destination, on peut aller boire un verre, le soir, entre 17 et 20 heures dans le petit bistrot installé là, fait de pièces de bois assemblées de bric et de broc – ancienne activité du lieu oblige.
Tout autour, c’est à un exercice libre – mais on ne refait pas les architectes qui pensent de par leur métier de manière cartésienne – que se sont adonnés les « Amis ». La plus « fleur bleue » en apparence est néanmoins assurément Isabelle Van Driesche, qui a imaginé un vélum en plastique recyclé, avec ses chaises longues façon plage et une lecture revisitée de Marcel Proust… Clin d’œil donc mais l’intention vraie est on ne peut plus militante !
Dans cette mini biennale d’architecture, à voir depuis un podium central de Stefano Moreno, dont les branches sont orientées sur chacune des maisons imaginaires exposées, on retrouvera ensuite, aussi bien les matériaux traditionnels du métier que d’autres plus contemporains, voire futuristes. Il y a les pavillons qui sont disposés librement dans l’espace ou ceux appuyés aux murs du hangar. Parmi ceux-ci, la proposition la plus sophistiquée est sans doute celle de la jeune Jaimie-Lynne Li How Cheong. Couleur et miroirs, angles brisés, renvoient les reflets individuels à une identité collective qu’elle rend floue.
Pour la pragmatique et résolue Tatiana Fabeck, la petite porte d’entrée de sa Camera obscura mène, après un parcours dans le noir, à la fenêtre en hauteur de l’atelier, d’où le regard porte sur l’espace arrière du pâté de maisons. Avec le bois peint en noir de cette réalisation rigoureuse, voisine le rouge flamboyant de la transposition en 3D du graff dessiné sur le mur par Spike, son mode d’expression habituel et le blanc matriciel et sensuel de la membrane en PVC de l’architecte Jim Clemes : c’est l’air nécessaire à notre respiration qui gonfle cette sorte de nef sous laquelle on peut se glisser.
À côté de ces trois mondes totalement différents, la pièce la plus stéréotypée, est celle conçue par Fräntz Valentiny. C’est aussi la plus proche de ce que les enfants imaginent être une maison. Un « fondement » inédit pour un des plus sophistiqués de nos architectes ! Quant au matériau le plus traditionnel, c’est Alain Linster qui le met en œuvre de manière virtuose. Linster a replié un des quatre murs en brique, ouvrant ainsi une sorte d’espace terrasse tandis que – autre génération, autre vision de l’architecture ? – de la disposition spatiale de pans en blocs de béton proposée par Philippe Nathan, naît un espace intérieur, au sol recouvert de morceaux de charbon. La terre brûlée de l’architecture ?
Assez sombre aussi, mais teintée d’humour, est la vision de Sharam Agaajani, dont on peut redouter que le toit écraserait le visiteur sous son poids… À contre-balancer, pour qui serait à la recherche de « zen attitude », par l’immersion dans le labyrinthe, à l’ambiance laiteuse, de Nico Steinmetz et Arnaud De Meyer. Un monde de papier… L’unité d’habitation de Steve Krack, futuriste, disposée à l’extérieur, résonne elle drôlement dans le tissu encore hétéroclite et sympathique du quartier de Bonnevoie. Jusque quand peut-on se demander, résistera-t-il à l’homogénéisation urbaine ? Si la réponse des architectes dans le réel est égale à la diversité proposée par l’Amicale des Amis, on pourrait être rassuré…