Discrètement, la ministre de la Famille Corinne Cahen (DP) recevait les derniers jours les partenaires sociaux – les syndicats LCGB, OGBL et CGFP, ainsi que l’Union des entreprises – pour les éclairer davantage sur ses plans de réforme du congé parental. Discrètement, parce que cette fois-ci, la ministre ne veut pas gâcher le projet annoncé dans l’accord de coalition DP-LSAP-Verts de décembre 2013. Après la levée de boucliers des conservateurs suite à l’annonce de la suppression des allocations d’éducation ou de maternité et celle de la réforme des allocations familiales, elle ne veut surtout pas de polémique avant la présentation d’un texte de loi prêt à être déposé à la Chambre des députés, prévisiblement au printemps de l’année prochaine. Et les premières réactions ne furent pas unanimes : le gouvernement et les syndicats ont certes trouvé un accord sur les grands principes de la réforme dans leur réunion du 28 novembre, mais les patrons, non conviés à la table de négociations, s’en offusquaient, parce qu’ils seront au moins autant concernés par sa mise en musique.
« Lors de son introduction en 1999, le congé parental était en premier lieu une mesure en faveur de l’emploi, expliqua brièvement la ministre à la tribune de la Chambre des députés le 2 décembre. Mais aujourd’hui, nous le considérons surtout comme une mesure de politique familiale. » Car très peu des quelque 4 000 personnes qui prennent un congé parental par an (sur 6 000 naissances ; le deuxième congé pouvant être pris jusqu’à l’âge de cinq ans de l’enfant) ne sont remplacés. En règle générale, c’est la débrouille pour gérer le travail du ou de la collègue absent(e).
Dans toute sa politique familiale, le gouvernement veut promouvoir une meilleure conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, encourager les femmes à travailler après la naissance des enfants et à rester assurées. Et le DP plus particulièrement, veut faire profiter davantage ses propres électeurs, les classes moyennes, du congé parental. Car actuellement, il est peu attractif pour les ménages ayant des salaires moyens et des engagements financiers importants (un prêt immobilier par exemple), ne serait-ce que par la relative modestie de son indemnisation : sur six mois, le parent profitant du congé touche 1 778,31 euros par mois ; à mi-temps sur un an, ce ne sont plus que 889,15 euros. Première réforme : l’indemnisation sera augmentée à l’équivalent du salaire social minimum pour ouvrier non qualifié, soit 1 921 euros par mois (une augmentation de 143 euros mensuels). Elle restera alignée sur le SSM et indexée. En temps d’austérité, la mesure devra être neutre côté dépenses : les 3,5 millions d’euros qu’elle coûterait par an à l’État devront être contrebalancés par les économies faites avec le suppression ou la réforme des autres allocations.
Mais 2 000 euros, c’est toujours modeste pour une carrière moyenne. Dans le cadre de la flexibilisation, deuxième réforme, le gouvernement envisage donc de prévoir un autre modèle devant aussi inciter davantage de pères à prendre le congé parental (ils ne sont qu’un millier par an, un tiers des femmes) : un congé de quatre mois seulement, mais payé alors 2 800 euros par mois (à condition toutefois que le salaire initial dépasse cette somme). Le troisième et le quatrième volet de la réforme seraient une flexibilisation encore plus grande du congé, une sorte de « congé à la carte », où chaque employé pourrait décider du modèle qu’ils choisirait : travailler à 80 pour cent durant autant de mois, avoir ses mardis et jeudis après-midi, avoir tous les congés scolaires, travailler une semaine sur deux – les possibilités sont illimitées.
Or, si les cœurs des (futurs) parents font des sauts de joie en espérant qu’un tel modèle leur permette de faire le grand écart entre leurs soucis matériels et leur volonté de passer du temps avec leurs enfants, il y a un hic : il faudra développer ces modèles flexibilisés en accord avec le patron. Car les entreprises ne veulent pas être pénalisées par la réforme, elles devront pouvoir fonctionner convenablement, même avec un fort taux de jeunes parents dans leurs équipes. Le défi est énorme. Ce qui explique que, jusqu’à nouvel ordre, c’est motus et bouche cousue au ministère.