Au cœur de l’« affaire Gaydamak » (lire ci-contre), tout comme le fut aussi Alcor Bank, institution disparue du paysage bancaire luxembourgeois au printemps 2006 via une liquidation volontaire qui n’y est probablement pas étrangère, Sella Bank Luxembourg (SBL) n’en finit pas de panser ses plaies (un plan social en septembre 2008 lui a coûté la moitié de ses effectifs) et traîne à recouvrer sa santé financière, en dépit des efforts de son actionnaire italien de maintenir à flot sa filiale luxembourgeoise et de ses résultats plutôt encourageants en 2009.
Aux grands bobos, grands remèdes : le groupe Sella a changé de méthode pour faire table rase en constituant une nouvelle banque, tout en prenant bien soin, dans l’inventaire du passif, de retrancher les composantes les plus controversées, désormais cantonnées dans l’ancienne structure transformée en société de droit commun. Une sorte de bad bank pour solder les comptes du passé et disposant de la garantie de la maison-mère italienne. « L’actionnaire ne connaissait pas les liaisons dangereuses » de l’entité luxembourgeoise et de ses ex-dirigeants, explique dans un entretien au Land, l’avocat du groupe Sella, Massimo Condinanzi.
Désormais débarrassée de ses oripeaux, Banque BPP est née en juillet dernier et espère relancer son business dans le private et le corporate banking ainsi que dans l’activité de banque dépositaire. La crise financière de l’automne 2008 et ses conséquences tout au long de 2009, la dernière amnistie fiscale du gouvernement Berlusconi, vont peut-être obliger Sella à s’adosser à un partenaire pour relancer l’activité de la filiale au grand-duché. Rien n’est encore défini, assure l’avocat du groupe. Tout dépendra de la reprise des marchés financiers et des dispositions des clients italiens à conserver leurs avoirs hors d’Italie, malgré les pressions du gouvernement.
Les actifs douteux, principalement liés aux séquelles de l’affaire Gaydamak, sont restés dans SBL, qui a été rebaptisée pour la circonstance en IBL, son ancien nom de sinistre réputation. Massimo Condinanzi a reconnu que le choix de cette appellation n’était probablement pas très heureux, mais qu’il avait été dicté par la précipitation et que les dirigeants songeaient d’ailleurs à rebaptiser la société.
Selon les documents officiels de la scission, 35 comptes ont été conservés dans IBL, qui fait travailler cinq personnes chargées de liquider le passif. Les dirigeants ignorent le temps que ça prendra. La liquidation, qui est l’intention ultime, dépendra en partie de l’avancée des procédures judiciaires entamées notamment au Luxembourg, avec une plainte avec constitution de partie civile pour faux et usage de faux lancée en mai 2008 contre deux anciens dirigeants d’IBL, licenciés en 2004, dans le sillage d’une affaire blanchiment d’argent. Contacté par le Land, l’ancien « patron » d’IBL se défend des accusations de faux et de blanchiment, expliquant avoir été berné par la confiance qu’il portait dans le numéro deux de l’établissement.
En mai 2009, après un an d’enquête, le cabinet d’instruction rend une ordonnance de non-informé, c’est-à-dire qu’il classe la plainte de SBL sans suite, notamment en raison de la prescription de certains faits reprochés aux ex-dirigeants. Pourquoi d’ailleurs avoir attendu quatre ans avant de saisir la justice ? Bruno Agostini, président du conseil d’administration de SBL, indique qu’il a fallu du temps pour éplucher la documentation et déterminer la responsabilité supposée des anciens dirigeants.
La banque va d’ailleurs relever appel du classement sans suite de sa plainte et obtient gain de cause en décembre 2009 devant la Chambre du Conseil de la Cour d’appel qui estime au contraire qu’il y a matière à des poursuites pénales. Le procès supposé des deux dirigeants risque donc de se faire attendre, malgré la détermination de leur ancien employeur à les faire juger et faire le déballage de l’affaire sur la place publique.
Les adversaires de la banque, qui lui réclament notamment le remboursement des frais de gestion des fonds des BVI liés à Arcadi Gaydamak dont IBL/SBL en était le dépositaire, la soupçonnent de vouloir gagner du temps, car tant que la procédure pénale est pendante, le volet civil reste au point mort.