Chaudes journées au Parlement européen réuni mercredi et jeudi en plénière à Strasbourg. L’hémicycle strasbourgeois a été le théâtre de débats agités entre les députés qui ont, comme prévu, lancé une attaque en règle contre la France en raison de sa politique à l’égard des Roms et la Commission européenne.
Cette dernière, par la voix de la commissaire chargée de la Justice Viviane Reding, s’est déclarée satisfaite des « garanties » que lui a fourni le gouvernement français pour justifier sa politique de reconduction vers leur pays d’origine de citoyens roumains et bulgares. Les Roms ne doivent pas devenir des « boucs émissaires », a-t-elle souligné et « la France a bien expliqué qu’il n’y avait pas d’action ciblée contre les Roms ». Elle a cependant indiqué avoir enjoint Paris par courrier à donner force de loi aux garanties procédurales accordées aux personnes expulsées en transposant complètement la directive de 2004 sur la liberté de circulation dans l’UE. Manquent dans la législation française notamment le délai d’un mois dont doit bénéficier toute personne visée par une mesure d’expulsion et le respect d’une action proportionnée garantissant la prise en compte la situation de la personne au regard de la décision qui la touche. La commissaire luxembourgeoise informera, « la semaine prochaine », le collège des commissaires de l’enquête de ses services quant à la conformité entre « ce qui a été dit et la réalité sur le terrain ». Elle a par ailleurs demandé l’organisation d’une réunion ministérielle européenne sur la situation des Roms et la mise en place d’un groupe de travail de « haut niveau » pour débattre de la « non utilisation ou la mauvaise utilisation » des fonds européens destinés à l’intégration des douze millions de Roms européens. Les conclusions de cette task force seront présentées au collège des commissaires avant la fin de l’année.
La veille, le président de la Commission José Manuel Barroso, à l’issue d’une entrevue à Paris avec le président français, avait joué la carte de l’apaisement en indiquant qu’il souhaitait ne pas créer une controverse sur cette question. Il a insisté sur les « obligations » qui s’imposent à tous les citoyens européens, mettant « l’accent entre la liberté de circulation et la sécurité » au risque de récupération par « des forces extrémistes qui pourront exploiter de façon populiste le sentiment d’insécurité ». Ces propos ont déclenché la colère du leader des Verts, Daniel Cohn-Bendit : « Cette Commission, a-t-il lancé, n’est pas capable de pointer du doigt ou d’attaquer des situations particulières à certains États membres. Vous êtes le président aux abonnés absents d’une Europe qui a besoin d’un président (...) Dites publiquement que ce que fait la France (à l’égard des Roms) contredit les traités européens ».
Plusieurs de ses collègues au PE se sont aussi indignés de la clémence de Bruxelles à l’égard du gouvernement français et ont condamné les mesures prises par celui-ci, jugées discriminatoires et en infraction au droit communautaire. À l’instar du chef des Libéraux au Parlement, Guy Verhofstadt, qui a mis en garde contre la « tentation populiste, parfois raciste » qui s’exprime selon lui en France et dans d’autres pays de l’UE. « Nous ne pouvons jamais accepter que les droits (des Roms) soient violés. Cette Europe doit rester un continent de liberté et de tolérance ». L’Allemand Martin Schulz, à la tête des socialistes, a de son coté dénoncé « une chasse aux sorcières » contre les Roms et son collègue autrichien Hannes Swoboda a déploré la réponse « peu claire » de la Commission : « Je veux savoir, a-t-il demandé, si les autorités françaises ont enfreint le droit européen ou pas ? ».
Quatre des principaux groupes du PE (socialistes, libéraux, verts et communistes) devaient présenter jeudi 9 septembre une résolution commune pour demander à Paris de « suspendre instamment » les expulsions de Roms. La Commission n’est pas épargnée, le texte déplorant « sa réaction tardive et limitée ». De son coté, le PPE (conservateurs) a également présenté une résolution sur la situation des Roms en Europe, sans faire toutefois allusion à la situation en France en soulignant que cette question des Roms était « un problème européen qui nécessite une stratégie européenne ».