Le catalogue de l’exposition The Family of Man, en impression depuis plus de cinquante ans, est l’un des livres photographiques les plus vendus au monde. Il s’agit d’un livre collectif qui garde une structure d’exposition définie par le commissaire d’exposition Edward Steichen. Mais très rapidement, le médium du livre photographique s’est développé d’une manière bien plus autonome et individuelle.
Dans son nouvel ouvrage ephemera, Armand Quetsch réalise cette position d’auteur en associant toute une série d’images énigmatiques qui semblent se défaire de toute technicité pour aller trouver leur sens dans une chorégraphie inquiétante. On y retrouve les bases d’un travail presque intime qu’Armand Quetsch avait définies pour sa première publication Nikla en 2008. Ce livre traitait d’une vie de reclus, celle de son grand-oncle Nikla, qui n’avait quitté sa petite ferme du hameau belge de Krewinkel qu’une seule fois durant son existence. Armand Quetsch en avait fait le livre photographique d’un huis clos impitoyable, par son utilisation d’un éclairage au flash frontal et direct.
Dans son nouveau livre ephemera, cette rigueur initiale semble atténuée par une plus grande variété des images, qui les rend moins explicites. De plus, Armand Quetsch n’a pas ajouté de texte explicatif, mais finalise sa publication avec un poème de José Ensch qui parle d’une « noire blondeur », et qui résume au mieux la démarche et l’esthétique de Quetsch. Celui-ci a clairement décidé de s’éloigner radicalement de l’idée d’une photographie qui représente simplement les choses et les gens. Souvent, ses images n’ont pas de sujet directement identifiable, mais elles suggèrent une ambiance particulière. Il résulte de cette approche, qui tente de fixer le fugitif, de garder ce qui tend à disparaître, une série d’images qui laissent un goût amer et, parfois, une impression morbide. Armand Quetsch ne veut pas faire plaisir, il se détache de toute illustration simpliste et déleste sa photographie de tout compromis. Dans ephemera, Quetsch montre un monde qui semble se préparer à sa propre taxidermie. Des natures mortes qui semblent sortir du motel de Norman Bates font suite à des paysages obscurs, voire aveuglants dans leur blancheur.
Le bon livre photographique d’auteur se distingue aussi par sa jaquette et sa typographie. ephemara n’y fait pas exception, car Armand Quetsch a tout simplement supprimé la partie du dos du livre, et découvre ainsi l’encollage des pages tout en fragilisant cet objet. Ainsi le titre se retrouve non seulement dans la composition photographique, mais également dans matérialité même de l’ouvrage.
C’est à l’occasion de son exposition actuelle à la galerie Nei Liicht, centre d’art de Dudelange, qu’Armand Quetsch a présenté son nouveau livre photographique. L’accrochage sur les cimaises donne quelques extraits agrandis du livre et confronte ces images dans une juxtaposition autre que celle du montage d’ephemera. Ainsi, l’exposition donne l’occasion unique de comparer deux versions d’un même travail.
Elise Schmit
Catégories: Luxemburgensia
Édition: 21.09.2012