Sans présager des évolutions du paysage politique, s’il y a une couleur qui se fait voir dans les rayons, c’est bien le vert et ses cinquante nuances. Fromage, poulet, yaourt, fringues, chips : tout passe au filtre couleur transition (énergétique, climatique, morale-laïque). Des années après McDonald’s, H&M s’est ainsi mis au vert, la plupart des fripes troisième génération brandissant des étiquettes couleur forêt, arborant chacune des pourcentages, entre dix et cent, pour informer le client du taux de recyclage du coton ou polyester du vêtement. Les consciences s’en trouvent allégées, tout comme les portefeuilles. Dieu merci, consommer la fast fashion ne nuirait plus (autant) à la planète. Hélas, que vaut une robe en coton recyclé à vingt pour cent dont les 80 pour cent restants relèvent du business as usual ? Et la chemise qui est composée à 80 pour cent de polyester recyclé, polluerait-t-elle moins ? Pour les curieux qui aiment faire défiler leur écran, H&M confirme sur son site, en bas de page : « Recyclés ou pas, les habits en polyester rejettent lors du lavage des microfibres qui débouchent dans les océans. Nous conseillons de les laver dans des sacs à linge »… Sacs qu’on peut bien sûr acheter sur le site. C’est de la poudre aux yeux ! Même s’il faut avouer que la recherche sur les nouvelles matières textiles semble passionnante et prometteuse : entre le cuir « Vegea » fabriqué à partir du moût de raisin, la « Circulose » faite de coton recyclé ou la « Agraloop BioFibre », issue de résidus de plantes, ça promet. En boutique toutefois, on trouve uniquement le « Tencel lyocell », réalisé à partir de la cellulose végétale. Ce qui reste préférable au coton « Filière française » inscrit sur une étiquette verdoyante cela va sans dire chez Benetton. Le coton qui est transporté au Bangladesh pour la production et retourné en Europe pour la vente. On attend désespérément un calcul réel de l’empreinte carbone de chaque produit, et pourquoi pas à travers une application pour être au clair ?
Dans les supermarchés, le client attentif remarquera la panoplie de signes et de symboles en vert clinquant visant à rassurer et à ramollir toute résistance qui pourrait naître d’un désir de protéger la planète. Ici un sigle « cacao durable » (Milka et Côte d’Or, Mondelez International), là un ajout « avec des huiles d’origine naturelle » (Nivea, Beiersdorf AG) ou encore la marque « sans conservateur ni colorant – Charte Harmony » (LU, Mondelez International). Plus loin, l’encadré : « Œufs de poules élevées en plein air, sans huile de palme, farine de blé français » des biscuits Saint-Michel ; la vignette « sans colorant artificiel » des bonbons Haribo ou encore l’inscription « arôme naturel de vanille » de ceux de Lutti. Côté cosmétique, certains n’ont pas froid aux yeux en proposant un tube en plastique (tout à fait standard par ailleurs) couleur papier Kraft (La Roche-Posay). Dans le registre supérieur, on a recours aux compensations, mitigations et adaptations comme la mention « 1% for the planet », sans autres explications, mais ça sonne bien. Les catégories de produits confondues, les cachets couleur émeraude sont mis en évidence : « sans huile de palme », ou « fabriqué en France ». Attention, on parle de l’assemblage ; l’origine des matières premières n’étant pas forcément mentionnée sur les boîtes, elles peuvent tout à fait venir de très loin !
Le caractère recyclable de certains emballages est incertain. Les barquettes de viande, par exemple, ne le sont toujours pas. Et même quand ils le sont, selon Valorlux, « pour la plupart des matériaux en plastique, les accords de la European Food Safety Authority pour leur réutilisation dans des applications au contact alimentaire n’existent pas encore ». Ce qui veut dire : un pot de yaourt ne redevient pas circulairement un pot de yaourt. De toute façon, freinons les ardeurs ! Toujours selon Valorlux, le taux de recyclage des emballages en plastique au Luxembourg était de 59,22 pour cent en 2019. Autant dire que quarante pour cent se retrouvent brûlés. Un autre cas malfamé, l’emballage des chips. On n’a trouvé qu’une seule marque (belge) ReBel qui propose de (très bonnes) chips dans un sachet en papier. L’exemple qu’il est possible d’éviter les deux couches de matériaux, plastique et aluminium, qui rendent les sachets difficilement recyclables.
Encore dans le registre du recyclage, Kinder a le chic d’apposer un tampon vert qui invite le consommateur à découvrir, via un code scan, quel emballage est recyclable. Et que ne doit-on pas à l’encadré déchets, omniprésent sur les produits français ? Il vient avec dessin et appellation, pour ceux qui ignoreraient ce que c’est qu’un « sachet », un « bouchon », une « bouteille » et pour qu’on soit certain du choix du bac de tri. Il y a aussi des marques (CéréalBIO) fières de présenter un emballage qui contient 27 pour cent de plastique recyclé. Ouf. Ou celles qui vous informent que vous êtes sur le point d’acheter un « produit qui contient du plastique » (avec illustration d’une tortue qui croule sous le gobelet flottant sur l’océan). Ou celles enfin qui font un geste en annonçant compenser « l’empreinte plastique », par le soutien d’un projet de recyclage… en Inde. Tandis que le bon vieux « Tetrapak », il n’est fait que du bois issu de forêts certifiées FSC et d’autres sources contrôlées, et ainsi « continue à préserver les forêts ».
Bref, le retour au respect environemental est un processus lent et laborieux. Il nous faudra des lustres pour désembourber la planète des déchets qui la plombent. Alors ne vaudrait-il pas mieux ne pas en rajouter? D’ailleurs, il semble que les lentilles vertes se vendent mieux depuis un certain temps (en sachet plastique bien sûr). Et vous, comment vous faites vos courses, en voiture, vélo électrique ou bicyclette bio ?