Trop loin de la cantine. Pas assez de restaurants alentour. Trop loin de la gare ou impossible de faire une course entre midi et deux... Les arguments que les fonctionnaires du ministère du Développement durable et des Infrastructures (MDDI) ont invoqués ces derniers mois, dès que l’information qu’ils pourraient déménager vers Kirchberg circulait comme rumeur, pour expliquer leurs réticences, voire leur opposition à l’entreprise, étaient surtout d’ordre privé. Mais l’information se confirma : le 19 juillet, le ministre Claude Wiseler (CSV) expliqua le projet à la commission du Développement durable de la Chambre des députés et un mois plus tard, lors d’une visite des lieux, à la presse.
Le bâtiment Alcide de Gasperi, dit Héichhaus (« gratte-ciel ») par les Luxembourgeois depuis sa construction au milieu des années 1960, avec ses 22 étages sur 82 mètres de haut, est en travaux depuis dix ans, pour la construction d’un centre de conférences d’abord, capable d’accueillir les réunions les conseils des ministres de l’Union européenne, qui y siègent trois mois par an et dont le nombre et la taille des délégations n’a cessé de croître avec les élargissements successifs – le projet de loi et le budget initiaux ont plusieurs fois dû être adaptés depuis, passant à un coût de 292 millions d’euros au final. La tour a été complètement démantelée, rénovée et dotée d’une nouvelle façade correspondant entre autres aux exigences énergétiques. Or, à l’arrivée, l’État luxembourgeois, maître de l’ouvrage et propriétaire du bâtiment, se retrouve avec la moitié d’espaces vides : les délégations des conseils des ministres vont occuper onze étages et les anciens locataires, notamment le secrétariat du Parlement européen, ont été relogés dans les tours voisines, en attendant la construction de leurs nouveaux bâtiments.
« Le ministre des Finances Luc Frieden (CSV ; responsable des domaines de l’État, ndlr.) et moi nous sommes donnés comme ligne directrice que l’État essaie, autant que faire se peut, d’occuper lui-même ses propres bâtiments et d’abandonner peu à peu les objets loués, » explique Claude Wiseler. La première idée était de regrouper ici quelques administrations louant à prix fort au centre de la capitale : la Culture et l’Environnement, situés montée de la Pétrusse, l’Aménagement du territoire, les Classes moyennes et le Tourisme, plus quelques services du ministère de l’Intérieur, qui sont logés dans un bâtiment appartenant au Fonds de compensation, au boulevard royal, et dont le bail vient d’être résilié. « Mais cela aurait été un grand pêle-mêle, estime le ministre. Nous avons alors changé d’approche, et j’ai proposé de regrouper tout notre ministère, dont les différentes sections sont toujours éparpillées à plusieurs adresses, place de l’Europe. Cela améliorera sans doute notre organisation et la coordination des travaux. »
Actuellement, le MDDI compte quelque 200 employés. Les deux ministres, Claude Wiseler et son délégué Marco Schank occuperont les quinzième et seizième étages – au milieu, pour que personne ne puisse leur reprocher d’avoir choisi les meilleurs étages, tout en haut – les services du ministère s’organisant ensuite vers le haut et vers le bas. Les querelles internes tournent maintenant autour de la question de qui aura quel bureau. Le déménagement est prévu entre janvier et Pâques 2011, avec comme difficulté le fait que plusieurs services, notamment du ministère des Transports, comme ceux des permis de conduire, doivent être accessibles en permanence pour le public. Ces déménagements en provenance de plusieurs adresses pourraient durer plusieurs mois.
Lorsque l’hôtel des Terres Rouges, boulevard Roosevelt, somptueux bâtiment remontant à la fin du XIXe siècle et que l’État occupe depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, sera vide, il pourra accueillir le ministère de la Culture et certains de ses services. « Nous voulons rationaliser l’occupation des infrastructures et optimiser le travail des différentes administrations, » continue Claude Wiseler. Les ministères des Classes moyennes et du Tourisme, ainsi que quelques services du ministère de l’Économie ne feraient qu’un petit voyage pour rejoindre le Forum royal. « Nous essayons de regrouper les ministères, et de trouver des bâtiments plus grands, de l’ordre de 4 000 à 5 000 mètres carrés, résume Étienne Reuter, secrétaire général du service Domaines de l’État du ministère des Finances, car nous voulons garder une certaine flexibilité, si jamais l’organisation des ministères change encore. Notre objectif restant toujours de réduire le nombre d’adresses différentes par ministère, afin de faciliter l’orientation des citoyens. »
Un troisième changement concernera, à moyen terme, le ministère des Affaires étrangères : la décision qu’il occupera l’ancien Palais de justice dans la vieille ville, dont la construction remonte à 1545 et qui a été libéré en 2008, lorsque les services du Tribunal ont déménagé vers la Cité judiciaire, a déjà été entérinée par le précédent gouvernement. Le Fonds Vieille Ville (FVV) a fait faire, en 2008, une analyse du patrimoine historique et une étude de faisabilité, avant de lancer un concours d’architectes pour le réaménagement de l’ancien hôtel particulier. Deux bureaux d’architecture, une association de jeunes Luxembourgeoises et un bureau espagnol, se sont classés ex æquo dans ce concours, dont les résultats devraient être présentés à la rentrée. Ce chantier, assumé et budgétisé par le FVV, devrait coûter moins de 40 millions d’euro et n’aura donc pas besoin de passer par le vote d’une loi spéciale. Lorsque les quelque 115 employés du ministère des Affaires étrangères auront quitté l’Hôtel de Bourgogne, le ministère d’État, éclaté un peu partout, pourra se redéployer dans le quartier. « Mais le rythme de ces travaux-là dépendra alors des moyens budgétaires disponibles, » concède Claude Wiseler.