Vinton Cerf, communément accepté comme « père de l'Internet », nous avait révélé lors d'une interview « I have a deal with our technical guys from R[&]D : As long as they do not try to develop something I won't be able to sell, I won't try to sell some stuff they will never be able to build ». Hélas, en réalité nous entendons battre les tambours du marketing bien avant d'apercevoir l'avant-garde des produits annoncés. Exemple de plus dans la triste série : l'UMTS, quasi décrété par le gouvernement, d'abord frénétiquement annoncé par le monde NTIC pour ensuite se perdre dans quelques rares articles des spécialistes.
En date du 29 avril, UMTS naquit pour le Luxembourg. Du moins en théorie. Tango, jusqu'alors reine incontesté des coups publicitaires avait loupé l'occasion de médiatiser un premier appel UMTS au Luxembourg. L'Entreprise des postes et télécommunication (EPT), épaulée (pour ne pas dire poussée) par son partenaire médiatique s'était élancé dans l'aventure marquant un point, symbolique mais important. Notons pour la petite histoire que le premier « premier appel » avait été réalisé bien auparavent par Alcatel lors d'une présentation « 3G ». (Enfin l'histoire des « faux premiers » ne débute pas dans le monde télécom, ne citons ici que le découverte de l'Amérique)
Il semble donc que les opérateurs se préoccupent d'avantage de marquer des points sur le terrain du marketing que dans les services.
Or, au lancement de la concurrence grand publique en 1998 tout le monde semblait d'accord que le consommateur allait gagner sur les services. À l'heure actuelle le Luxembourg marque un retard certain au niveau des services offerts par rapport à l'étranger. Les positions sont bien définies : l'EPT, l'ancien opérateur monopolistique d'un côté et Tele2/Tango de l'autre. Les autres opérateurs sur le marché n'ont guère de poids (nous parlons du secteur grand publique).
Est-il donc raisonnable que de penser que l'UMTS apportera des nouveaux services ? Point besoin, explique le directeur général de Tango Pascal Koster, pour son groupe l'UMTS viendra combler les besoins en capacité. S'y ajoutent certains gadgets du style streaming de télévision ou encore radio. Des technologies certes intéressantes, peut-être même prometteuses mais pas tout de suite. Il est évident qu'UMTS est le bon pas en direction de l'interactivité mais ce ne sera pas pour demain. En ce qui concerne les nouveaux services, nous osons reformuler la question en « est-ce que le client sera prêt à payer le prix des nouveaux services ? »
L'EPT de son côté devrait mettre l'antipôle de TangoTV sur orbite, à savoir Planet RTL. Il est à prévoir que les deux vont se « bagarrer » pour la jeune clientèle avide de communiquer en publique par SMS.
Mais alors à quoi bon l'UMTS si déjà le plus ancien des GSM classiques peut servir à envoyer des SMS et cela à un prix nettement inférieur à celui d'un téléphone UMTS. À noter ici que le 29 avril 2003, Tango avait lancé au Luxembourg la phase « friendly-user » de son réseau UMTS, promettant des terminaux à prix forfaitaire à une clientèle sélectionnée. À ce jour, nous restons au stade de l'annonce. Tango semble avoir des mésententes avec le fournisseur du réseau (lire page 19).
Il y a d'abord le côté « hype » et « lifestyle », un côté intéressant du marché de la communication mobile auquel Nokia s'est très tôt intéressé en lançant des portables qui convainquaient plus par leur « styling » et leurs fonctionnalités adjacentes que par leur qualité de téléphone simple. « Fun sells », pourrait-on titrer cette approche de Nokia qui devrait se poursuivre dans la 3e génération de portables. Arrive, (après les appareils photo de « G 2,5 ») les mini caméras qui permettent de réaliser une vidéo-téléphonie via UMTS. Rappelons que le produit « vidéo-téléphonie » existait déjà sur le réseau ISDN, mais qu'il n'a jamais réussi à percer.
Or pour « 3G », il risque de passer, non parce que la qualité a entre-temps augmenté, mais parce que les jeunes (et moins jeunes) ont été bien éduqués par le marketing. Devenus plus sensibles au gadgets NTIC, ils achètent, comme le prouvent les chiffres de vente en Italie où la vidéo téléphonie fait fureur. Ainsi nous apprenons lors de la conférence de presse Tango que la vidéophonie mobile par UMTS est l'application phare en Italie. Evidement l'italien est une langue qui se prête à être véhiculée tant par le son que par l'image, attendons donc si le succès s'étend sur le reste de l'Europe.
Ensuite - et cela fait parti de la stratégie de Tango au Luxembourg - l'UMTS offre des bandes passantes et ainsi des débits plus intéressants aux internautes mobiles. Pour le réseau Tango, 384kbps sont annoncées. Ce débit pourrait être une alternative intéressante pour les technologies xDSL. Même sans bouger UMTS offre donc certains atouts réels.
Des tests réalisés montrent que les vitesses de croisière obtenus sont en effet très concurrentielles. Les questions qui se posent sont donc, quand cette alternative sera enfin disponible au Luxembourg et comment se comportera le réseau si plusieurs internautes se connectent simultanément.
Notons du côté positif, que la grande partie des producteurs de portables ont optés pour des appareils « dual mode », c'est-à-dire des mobiles capables de gérer et des appels UMTS et GSM. Pour le client, le passage de UMTS vers GSM et vice versa devra être transparent. Si la théorie se vérifie en pratique, les pionniers de l'UMTS ne seront pas déçus. S'il faudra par contre changer de mobile selon la situation du réseau, la bataille est perdue d'avance. Ce n'est que la pratique qui nous fournira la réponse.
En résumé, nous voyons donc que l'UMTS offre bien des possibilités, tant pour les adeptes du lifestyle que pour les fanatiques de technologies, mais qu'il faudra enfin démarrer afin de pouvoir voir l'évolution en vie réelle.