Institut luxembourgeois de régulation

Arbitre sans sifflet

d'Lëtzebuerger Land du 19.06.2003

L'Institut luxembourgeois de régulation (ILR), issu de l'Institut luxembourgeois de télécommunication (ILT), a comme devoir de « permettre la concurrence » et de « veiller à ce que celle-ci soit réelle ».

S'il est vrai que nous avions pu constater quelques avancées dans la bonne direction, un goût amer persiste et nous donne l'impression que le seul but est de dévier l'attention de Bruxelles du Luxembourg. Pire, ce qu'en 2001 était reconnue par la directrice de l'ILR (manque de concurrence dans le réseau fixe) s'est étendu sur le réseau mobile où nous constatons un status quo qui dure depuis trois ans. 

Beaucoup d'espoir avait été placé dans le dégroupage de la boucle locale, c'est-à-dire la possibilité pour d'autres opérateurs d'avoir un accès physique aux lignes de l'EPT. Or, à l'heure actuelle ce dégroupage n'est pratiqué qu'accessoirement. À écouter les opérateurs alternatifs, l'EPT use de tous les mécanismes de retardement possibles et imaginables. Conséquence : point d'alternative réelle disponible pour le client résidentiel. L'EPT, amenée à livrer par comptabilité analytique la preuve que ses chiffres étaient réels, surprend l'ILR en engageant le même bureau d'avocats qui auparavant avait conseillé l'Institut. Si nous comprenons très bien que l'EPT cherche à se défendre par tous les moyens, nous restons du moins ébloui devant la naïveté apparente de l'ILR. 

Autre conséquence, dans sa décision 02/56/ILR du 27 septembre 2002 l'ILR avoue qu'il y a des problèmes dans les prix de gros opérés par l'EPT (prix définis par la « RIO ») : « En conclusion, l'Institut considère que cette situation rend impossible toute concurrence à l'offre de l'opérateur historique et constate le non-respect de la garantie de l'égalité de la concurrence indiquée par l'article 26 de la loi modifiée du 21 mars 1997. » L'ILR interprète les prix pratiqués par l'opérateur historique comme étant « prédatoires ». Bien que l'ILR fixe de nouveaux prix dans cette décision, le client final n'en ressent strictement rien. 

Dans sa décision 02/51/ILR du 19 juillet 2002, l'ILR demande que la facturation détaillée soit instaurée par tous les opérateurs. L'EPT se cache d'abord derrière des problèmes techniques pour ensuite se retirer discrètement derrière un mini astérisque qui permet de dire au client que celui-ci peut avoir une facture détaillée lorsqu'il en fait la demande (alors que Bruxelles demande que cela soit le cas d'office afin de permettre au consommateur de contrôler sa consommation). Dont acte.

Les opérateurs sont tenus à avertir l'ILR de changements de tarification GSM deux mois à l'avance. LuxGSM avait ouvert la chasse en laissant le soin à ses « service-provider » de diminuer les prix, sans pour autant devoir avertir le régulateur. Tango a repris le défi en créant avec SEC-Services son propre prestataire de service. L'ILR est resté inerte face a ce banal contournement juridique.

À son arrivée au Luxembourg, la demande de licence de Tango avait entre autres convaincu par une « charte de qualité » au niveau du GSM. Or, celle-ci avait été tacitement supprimée pour tous les clients qui passaient de Tango vers SEC-Services, sans que pour autant l'ILR ne réagisse. Pourtant la charte de qualité fait (d'après les responsables) parti de la licence attribuée à Tango.

Les deux réseaux GSM sont en perte de qualité, alors que les licences requierent un certain niveau de qualité.  À l'heure actuelle, une seule étude a été réalisée par l'ILR. Le résultat publié se résume à : « Les deux réseaux satisfont les critères de qualité. » Pourtant, l'article 11 du Règlement grand-ducal du 14 décembre 2001 fixant les conditions minimales du cahier des charges pour l'établissement et l'exploitation de réseaux et de services de télécommunications mobiles retient même que les opérateurs sont obligés de fournir des informations de couverture, etc. que l'ILR peut mettre à la disposition du publique. 

Autre exemple : l'EPT change de stratégie dans le DSL. Restena est le seul opérateur à pouvoir connecter le personnel enseignant au haut débit. Sur le marché Cegecom, VO ou Luxembourg-Online aimeraient eux-aussi pouvoir offrir ces services aux enseignants. En effet, si le service est gratuit pour les enseignants, il ne l'est pas pour Restena, établissement public, qui doit lui payer l'EPT. Face aux opérateurs qui se plaignent, l'ILR argumente que le DSL ne fait pas parti du marché régulé… ouff !

Qu'en est il alors des appels d'offres ? Pourquoi le budget de l'État comporte-t-il des postes « services télécoms auprès de l'EPT » au lieu de « services télécoms » tout court ? Pourquoi ne lisons nous pas des appels d'offres publiques sur le raccordement télécom des nouveaux bâtiments publiques ? Serions nous ici face à un protectionnisme caché ou même ouvert? 

Notons enfin que l'ILR, sans vraiment le prononcer, constate une baisse d'abonnées mobiles. Ainsi, nous lisons dans le rapport annuel de 2001 que 409 064 utilisateurs sont abonnés au GSM alors que pour le 31 décembre 2002, ils ne seraient que 382 000. C'est en effet ce chiffre qui est retenu dans le « request for proposal » relatif à l'introduction de la portabilité du numéro mobile. (Qui annonce déjà son retard par rapport à la décision de Bruxelles). Dans l'espace d'une année, les opérateurs auraient donc perdus 27 000 abonnés, soit quelques sept pour cent, alors que la pub nous fait croire que le contraire est vrai et que les abonnées continuent d'affluer de part et d'autre. 

À noter aussi que le rapport 2002 n'est pas disponible à l'heure actuelle. Enfin, nous ne sommes qu'en juin 2003.

Si l'ILR argumente ne pas toujours avoir le pouvoir nécessaire pour agir en temps utile, il serait temps que le même ILR, qui a un devoir indéniable de permettre la concurrence, exige ce que lui est de droit. À défaut, il reste le goût amer que cet institut « indépendant » ne fût créé que pour la seule et unique raison de calmer Bruxelles.

 

Pascal Tesch
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