La réforme de la loi de 2004 sur la concurrence, parce qu’elle permettra aux Ayatollahs de la lutte contre les ententes illicites sur les prix et les cartels de lancer au Luxembourg des enquêtes sectorielles – dans le secteur de la banque de détail, dans l’assu-rance ou même l’audit, par exemple –, déplait fortement aux représentants de la place financière. L’Association des banques et banquiers Luxembourg (ABBL) a rendu public cette semaine son avis sur le projet de loi déposé fin 2007 par le ministre LSAP de l’Économie et du Commerce extérieur. La communauté financière demande en substance le gel de la législation de la concurrence, telle qu’elle a été mise en place en 2004 (avec une modification cosmétique en début d’année) en attendant qu’une étude de fond justifie l’opportunité de la réforme en profondeur envisagée par Jeannot Krecké. Les banquiers jugent que la réforme de l’autorité de la concurrence n’a pas l’innocence que ses promoteurs veulent bien lui donner. Le texte s’inspire plutôt, selon eux, d’une philosophie « répressive, dans laquelle des pouvoirs extrêmement importants sont laissés au président du conseil de la concurrence, sans que, en contrepartie, les entreprises se voient accorder de réelles garanties ».
Les dispositions du projet de loi relèveraient de « l’État policier ».C’est d’abord la fusion des deux autorités de la concurrence – l’inspection absorbée par le conseil (actuellement présidé par Thierry Hoscheit, qui en toute logique deviendra l’homme fort de la concurrence), pour ne donner qu’une seule structure – qui les dérange. La Convention européenne des droits de l’Homme permettrait difficilement la cohabitation des fonctions de juge-ment (dans les mains du conseil actuellement) de celle de recherche et d’instruction des infractions (la mission, pour l’heure, de l’inspection). En 2004, le Conseil d’État avait opposé son veto à la création d’une seule autorité. Les rédacteurs du projet de réforme de la loi de 2004 savent bien que l’examen de passage devant les Sages sera une des étapes les plus délicates à passer ; d’où d’ailleurs leurs soucis de se justifier.
Le projet de loi déposé en décembre 2007 contient une annexe de dix pages dans laquelle ils tentent de légitimer les pleins pouvoirs qui seront attribués au président du Conseil de la concurrence. L’autre sujet de préoccupation des banquiers reste le pouvoir d’auto-saisine dont le président du conseil disposera ainsi que ses « pouvoirs anormaux » qui lui donneront une voix prépondérante en cas d’égalité des voix au sein d’un conseil composé de quatre membres. L’ABBL réclame une composition impaire comme c’est actuellement le cas (trois membres) pour faire contrepoids au « rôle extrêmement puissant (qui) est ainsi attribué au président du conseil de la concurrence qui peut, à son gré, décider d’ouvrir des enquêtes sectorielles, s’autosaisir, instruire et sanctionner ». Des pouvoirs qui font d’autant plus peur aux représentants de la place financière que la CSSF, leur autorité de tutelle, ne pourra plus, après la réforme, opposer son secret professionnel au Conseil de la concurrence.
Enfin, rien ne s’opposerait, aux yeux des banquiers, à ce que la future autorité de la concurrence soit dotée de la personnalité juridique. Un garde-fou pour les entreprises, car en transformant le conseil en établissement public, le gouvernement ne lui offrirait pas seulement l’indépendance et l’autonomie financière, mais aussi la possibilité d’ester en justice. Il y a un peu de perversité dans cette proposition de l’ABBL.