Le ministre des Finances Luc Frieden (CSV) a déposé le 10 mai un projet de loi réformant la loi du 11 mai 2007 qui avait inventé les sociétés de gestion de patrimoine familial (SFP). Le régime devait constituer un Ersatz de la loi de 1929 sur les holdings, désormais disparus du paysage financier luxembourgeois en raison de leur caractère préjudiciable. Toujours est-til que la fin des holdings 1929 depuis le 1er janvier 2011 n’a pas vraiment profité aux SPF, uniquement destinées aux investisseurs privés, ces derniers préférant opter pour les fonds d’investissement spécialisés (FIS) – lesquels vont également subir un lifting – ou, pourquoi pas, pour le régime des sociétés de participation financière et à défaut faire domicilier leurs holdings dans les derniers sanctuaires de la planète où ce type de structure est encore possible. Le régime des sociétés de gestion de patrimoine familial n’a donc jamais vraiment décollé au Luxembourg comme on le prévoyait et la suppression des holdings relevant de la loi de 1929 n’a pas eu l’effet de turbo attendu sur leur développement.
Cet échec relatif des SPF n’a toutefois pas empêché la Commission européenne de regarder de près la conformité avec le Traité de l’UE du régime mis en place en 2007. Parce que les sociétés de gestion de patrimoine familial recevant plus de cinq pour cent du montant total des dividendes en provenance de participations dans des sociétés non-résidentes et non cotées en Bourse, qui ne sont pas soumises à un impôt comparable (sur le revenuet sur les collectivités), n’ont pas droit à l’exonération fiscale, Bruxelles avait « attiré » l’attention du gouvernement luxembourgeois en février 2010 sur une « éventuelle incompatibilité » avec les règles communautaires. En effet, selon l’exposé des motifs, la Commission voyait des différences de traitement entre une SPF investissant dans une autre société luxembourgeoise exonérée ou non d’impôt et une autre SFP faisant son marché dans des sociétés non résidentes similaires aux structures luxembourgeoises. Le projet de loi n’évoque pas de procédure contentieuse que la Commission européenne aurait pu lancer à l’encontre du grand-duché. Le ministère des Finances ne s’est d’ailleurs pas fait prier pour plancher sur une réforme législative mettant le régime des SPF au diapason avec les exigences de Bruxelles. Et pour cause, le régime qui sera mis en place en janvier 2012, si le calendrier prévu par les autorités est respecté, devrait élargir le spectre de ce type de sociétés en raison de l’abolition du critère d’exclusion à l’exonération des sociétés non résidentes et non cotées. Les ingénieurs de la finance pourraient s’en réjouir.
Le régime des Fonds d’investissement spécialisés (FIS) du 13 février 2007 va également subir des modifications qui ont été approuvées le 1er juillet par le conseil de gouvernement. La « mise à jour » tient compte partiellement de la directive AIFMD sur les gestionnaires de fonds alternatifs (2011/61/UE), qui autorise désormais la délégation de fonction, permettant ainsi à un FIS et/ou à sa société de gestion de déléguer des tâches et des fonctions à des tiers. En contrepartie, certaines règles seront resserrées : la CSSF va ainsi renforcer ses exigences en matière d’agrément et mettre en place des dispositions anti-abus. Ainsi, les personnes qui représentent « formellement » les FIS n’auront d’agrément que si elles en assurent la « gestion effective », « cela afin de s’assurer que les personnes en question remplissent les critères d’honorabilité et de compétence requis ». Ce faisant, les autorités entendent limiter une utilisation galvaudée des FIS : impossible par exemple de s’en servir comme simple véhicule d’investissement passif à l’activité limitée à la détention de participations. Ce type « d’exercice » étant l’apanage des SPF.
En tout cas, cette réforme des FIS, même si elle emprunte des éléments à la directive sur les fonds alternatifs (hedge funds), n’en est que sa transposition partielle, des compléments réglementaires étant encore attendus par les opérateurs de la gestion collective. Dans un communiqué, l’Alfi (association des fonds d’investissement) souligne qu’il ne s’agit pas de la « transposition officielle», mais d’une adaptation de la législation des FIS à certains aspects de la directive AIFMD. Aussi, le député européen Robert Goebbels (LSAP) s’est-il un peu trop vite réjoui de la rapidité avec laquelle Luc Frieden aurait transposé la directive AIFMD quelques jours à peine après sa publication au JO de l’Union européenne. Il n’y a pas le feu au lac pour faire la course en tête, le texte devant seulement être mis en œuvre en 2013.