En Europe, les prix de l’immobilier augmentent généralement plus vite que ceux des biens de consommation et des services. Selon l’agence de notation Standard & Poor’s, qui a publié dans le courant de l’été une étude sur dix pays (le Luxembourg n’en faisait pas partie) il faut voir là l’effet conjugué de taux d’intérêt très bas et d’une conjoncture satisfaisante malgré des prévisions de croissance qui restent modestes.
Mais l’évolution est très différente d’un pays à l’autre, des hausses soutenues voisinant avec des augmentations plus modérées voire avec des baisses. Ainsi en 2015 la hausse sera importante en Irlande (neuf pour cent) et au Royaume-Uni (sept pour cent) mais aussi en Allemagne (cinq pour cent), au Portugal (quatre pour cent).
En Allemagne, le rythme d’augmentation est presque le double de celui enregistré en 2014 (2,8 pour cent) car, en plus de conditions économiques favorables, il existe un déséquilibre entre l’offre et la demande dans certaines grandes métropoles. S&P prévoit la poursuite du mouvement en 2016 et 2017, mais de façon moins nette, avec des hausses de 4,5 pour cent et de 3,5 pour cent respectivement. Bien qu’elles soient supérieures à la moyenne européenne, et deux fois plus élevées que la croissance prévue du PIB, l’agence américaine ne voit pas de risque de formation d’une bulle. En effet, l’augmentation des prix survenue à partir de 2010 succède à une période relativement stable de 25 années, de sorte que les villes allemandes restent encore très abordables comparées à d’autres grandes cités européennes.
Pas de bulle non plus en Irlande, qui a pourtant connu un record de 16,2 pour cent de hausse en 2014, soit trois fois et demi plus que le PIB, un rythme qui devrait être approché en 2015. S&P estime que dans ce pays, comme au Royaume-Uni, les prix reviennent à un niveau « normal » après la forte baisse (-35 pour cent) de 2007 à 2010. L’augmentation des prix de l’immobilier sera plus modérée, mais néanmoins supérieure à l’inflation générale aux Pays-Bas (3 pour cent), en Espagne (2,5 pour cent) et à moindre titre en Suisse (1,5 pour cent). Ils se stabiliseront en Italie.
En revanche, la France et la Belgique vont connaitre une baisse des prix en 2015, de moins trois pour cent et de moins deux pour cent respectivement. En France, même si les taux restent très bas, la conjoncture est beaucoup moins favorable du côté des ménages à cause d’une progression continue du chômage, qui frappe actuellement 10,5 pour cent de la population active, et qui devrait rester élevé dans les années à venir (10,2 pour cent prévus en 2017), à cause de médiocres perspectives de croissance (pas plus de 1,5 pour cent en 2017).
Mais dans ce pays la principale raison de la baisse est qu’elle n’a pas eu lieu plus tôt ! Au contraire de plusieurs pays, comme l’Espagne ou le Royaume-Uni (où la chute a été de 25 pour cent entre 2008 et 2012) les prix de l’immobilier français n’ont pas baissé après la crise de 2008. La croissance démographique, une des plus élevées en Europe, et la vétusté du parc existant ont alimenté la demande, tandis que les mises en chantier chutaient (dans le neuf) et que les vendeurs maintenaient leurs prétentions (dans l’ancien).
Malgré la tendance baissière entamée en 2014, les prix français restent plus élevés qu’avant la crise. De plus, S&P ne prévoit pas de poursuite de la baisse, les prix devant rester stables en 2016 et repartir à la hausse (3 pour cent) dès 2017 ! Idem en Belgique, où, si une diminution de 0,5 pour cent est encore attendue en 2016, les prix devraient augmenter de deux pour cent l’année suivante.
Des voix discordantes se font toutefois entendre. Dans un document publié en juillet dernier, l’agence Moody’s estime que les conditions d’une nouvelle bulle immobilière « refont surface ». En cause, la politique de rachats d’actifs menée par la Banque Centrale Européenne. L’analyste Anna Zabrodzka considère que l’injection de soixante milliards d’euros chaque mois dans les économies de la zone euro pose problème car la BCE ne peut être sûre de la manière dont ces sommes seront investies.
Il semblerait que les économies plutôt prospères du nord de l’Europe soient actuellement celles qui bénéficient le plus du dispositif. Une des conséquences est que, attirés par les faibles taux d'intérêts, les ménages ont accru leurs investissements dans la pierre, provoquant une importante montée des prix : plus trente pour cent en Norvège depuis 2010, plus 25 pour cent en Allemagne, plus quinze pour cent au Royaume-Uni (où la hausse date de 2014 seulement). Dans ces trois pays, les prix seraient surévalués de dix pour cent et même de vingt pour cent dans des grandes villes comme Oslo, Munich et Londres. En Angleterre, les conditions des prêts immobiliers ont été durcies par la Bank of England en 2014 mais elles restent « relativement lâches » selon Moody’s et ne découragent pas la demande, même si le prix moyen d’un appartement y est aujourd’hui de 400 000 euros, soit plus de onze années de salaire moyen, contre sept ans et demi en France.