Certes, les couples homosexuels auront bientôt le droit de se marier. Le gouvernement l’avait déjà annoncé l’année dernière dans l’accord de coalition. Ils auront les mêmes droits que les conjoints hétérosexuels sur tous les points, sauf la filiation. Point d’adoption plénière pour eux. Pour le ministre de la Justice, François Biltgen (CSV), c’est une question d’impératif biologique.
Pour justifier cette décision, il se réfère à l’avis de l’Ombudscomité pour les droits de l’enfant qui souligne qu’il n’existe pas de droit à l’adoption pour les parents, mais qu’il faut toujours placer l’intérêt de l’enfant au centre des préoccupations. C’est pourquoi des enquêtes sociales poussées auprès des candidats sont primordiales. Vu sous cet angle-là, on a du mal à voir le lien avec l’orientation sexuel du couple de parents. Cela signifie-t-il que les enquêtes pourraient être moins approfondies pour les uns que pour les autres ?
Pour être plus clair encore, le ministre appuie son argumentation sur l’avis de la Commission nationale d’éthique qui, elle, est strictement opposée à l’adoption plénière pour les couples homosexuels. Pour des raisons d’ordre psychologique, car l’enfant a besoin d’un père et d’une mère pour pouvoir se développer mentalement et construire sa personnalité. Or, dans la pratique, l’adoption simple ne se distingue pas tellement d’une adoption plénière. En théorie, par l’adoption simple, l’enfant garde sa filiation d’origine avec ses parents biologiques et peut en principe maintenir des liens affectifs avec eux. L’existence de la famille d’origine en tant que personnes de référence serait donc – pour la Commission et le ministre – une garantie pour le développement mental de l’enfant qu’elles n’ont pas voulu garder ou dont elles ont été incapables de garantir la subsistance. Elles seraient donc considérées comme un rempart, un gage de protection de l’enfant. Cherchez la contradiction.
En outre, l’argumentation de la Commission d’éthique sert aussi à maintenir la limitation à l’adoption simple aux personnes seules : comme l’enfant a besoin de père et mère pour pouvoir développer son identité sexuelle, on ne peut le laisser dans les mains d’un seul parent. On se souviendra de la condamnation de l’État luxembourgeois par les juges de Strasbourg en 2007 parce qu’il avait refusé la reconnaissance et la trans-position (demande en exequatur) d’une décision d’adoption plénière accordée par les tribunaux péruviens à une personne luxembourgeoise monoparentale. Pendant des années, l’enfant ne fut pas reconnu comme le sien à part entière et dut demander des autorisations de séjour à répétition. Dans son pays d’origine, il avait été orphelin, une adoption simple aurait donc été sans objet. Après l’arrêt de la Cour des droits de l’homme, certains pensaient que le gouvernement allait abolir cette distinction pour les personnes seules. Il n’en est rien, l’État s’est contenté de reconnaître la décision du juge péruvien et continue à être l’un des rares pays du Conseil de l’Europe à limiter le droit d’adopter pour les familles monoparentales.
L’adoption simple vaudra aussi pour les personnes pacsées, les couples en communauté de vie « stable », ainsi que pour la reconnaissance de l’enfant du conjoint. Pour ce dernier cas de figure, l’adoption pourra être révoquée par l’enfant lorsque les conditions ont changé, comme après le divorce par exemple.
Même si le gouvernement a capitulé et se rend peu à peu à l’évidence que la société a changé et que les familles ne répondent plus toujours aux critères traditionnels, il n’arrive toujours pas à se défaire d’un sentiment fondamentalement méfiant par rapport à toute forme de vie commune qui n’est pas scellée par le mariage classique et dont le couple n’est pas hétérosexuel.
Dans un monde idéal, les parents s’occupent avec attention de leur enfant et les pouvoirs publics se contentent de tracer le cadre pour leur permettre de s’épanouir.