Le 2 mai dernier le Bureau européen des Unions de consommateurs s'est insurgé contre « les clauses généralement déloyales » des contrats de la téléphonie mobile en insistant auprès des autorités européennes pour « qu'elles mettent fin aux abus dont les consommateurs font les frais... et pour qu'elles prennent les mesures nécessaires pour introduire une plus grande concurrence dans ce secteur ».
Parallèlement, en France, les opérateurs et vendeurs de téléphones mobiles ont signé, début juin, avec les pouvoirs publics une sorte de code de « bonne conduite ». Rappelons que quelques mois auparavant, trente-sept clauses avaient été recensées dans les contrats comme abusives, vingt-deux ont été littéralement supprimées et quinze modifiées !
Au chapitre des suppressions, notons que les contrats de téléphonie mobile ne comporteront plus - en France - des clauses prévoyant la tacite reconduction de l'abonnement. La durée initiale de l'abonnement est désormais clarifiée pour que le client puisse choisir en toute connaissance de cause.
Au Luxembourg, l'analyse des contrats des principaux prestataires de téléphonie mobile laisse perplexe et tend à démontrer qu'il y a -« du pain sur la planche ». Au delà des prix, des conditions de tarification et d'utilisation qui restent très opaques - sans évoquer les publicités ambiguës - les professionnels abusent de leur position de force et présentent à leurs clients des con-trats comportant d'innombrables clauses abusives voire illicites.
Rappelons que la clause abusive a pour effet de créer, au détriment du consommateur « un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties » (loi du 25 août 1983 portant sur la protection juridique du consommateur).
Les services offerts peuvent ainsi être perturbés ou faire l'objet de dérangements, d'interruptions... les four-nisseurs de service ne se sentent pas responsables. La plupart des con-trats (Mobilux, CMD, SEC Services/Tango) excluent de façon systématique la responsabilité des prestataires et rappellent péremptoirement que « le client déclare avoir été informé » et « accepte que les services puissent être perturbés ».
Les professionnels signalent, à ce titre, qu'ils sont « seulement tenus d'une obligation de moyens » excluant ainsi toute contrainte d'un résultat à atteindre et exigeant surtout de leurs clients qu'ils rapportent la preuve de l'existence d'une faute qui leur soit imputable ; ce qui se révèle quasi-impossible pour le consommateur.
Cependant, l'article 1148 du code civil est clair : les professionnels ne peuvent s'exonérer ainsi de leur responsabilité à l'égard de leurs clients, sauf en cas de force majeure. La force majeure relève de l'appréciation souveraine des juges, elle est habituellement définie comme un élément extérieur au contrat, tout à fait imprévisible et difficilement surmontable par les parties. Les contrats de téléphonie mobile envisagent naturellement l'exception de force majeure afin d'exclure leur responsabilité et la plupart poussent même le détail jusqu'à définir « de convention expresse » le cas de force majeure comme précisément « un dysfonctionnement total ou partiel résultant de perturbations ou d'interruptions dans la fourniture ou l'exploitation des moyens de télécommunication fournis par les exploitants de réseaux... » (voir conditions générales SEC Services/Tango).
Même si certains contrats de téléphonie mobile admettent - heureusement - un dédommagement de leurs clients « au cas de faute grave équivalente au dol » (il s'agit d'une faute commise avec l'intention de nuire), la plupart fixent eux-mêmes par avance l'indemnité que le client pourrait réclamer en cas de dé-faillan-ce du service et précisent aussi que la responsabilité du prestataire « sera toujours limitée au montant de l'abonnement annuel souscrit par le client ».
En règle générale, c'est le juge qui détermine la réparation qu'un client peut réclamer en cas d'inexécution ou mauvaise exécution du contrat ; les parties peuvent aussi négocier un arrangement à l'amia-ble mais les contrats qui prévoient forfaitairement les dommages-intérêts à recevoir n'ont jamais force de loi en la matière. Encore moins ceux rencontrés qui suppriment par avance toute indemnité ou imposent des délais de prescription farfelus tels que « les recours du client quant à un dommage se prescrivent un an après connaissance des faits dont le dommage résulte ». Ces clauses sur les délais maximaux de contestation sont abusives voire illégales. On les retrouve également concernant la facturation : « Les plaintes doivent être introduites dans le mois suivant la date d'établissement de la facture. Passé ce délai, le client est réputé accepter la facture dans son principe et dans son montant » (Mobilux, SEC/Tango, CMD).
Les tarifs peuvent être de même modifiés à tout moment. Ainsi, « les changements de tarifs entrent en vigueur un mois après information du client » ou « la structure tarifaire est susceptible d'être modifiée à la baisse ou à la hausse... » (CMD, Mobilux). Certaines clauses prévoient tout de même la possibilité pour le client de refuser les nouveaux prix à condition que ceux-ci soient « excessifs par rapport à ce qu'il (le client) pouvait s'attendre lors de la conclusion du contrat » (Mobilux, CMD).
Par ailleurs, même si les prix sont libres, le prestataire n'a pas pour autant tous les droits. Selon une jurisprudence constante, quand un contrat prévoit une évolution du tarif, il doit se fonder sur des critères précis (par exemple un indice économique) et non sur une terminologie floue telle que « les prix sont susceptibles d'évoluer... ».
Généralement, les professionnels de la téléphonie mobile s'octroient aussi le droit de résilier leur contrat avec effet immédiat sous le moin-dre prétexte. Si, par exemple, « le client résilie un ordre de domiciliation » (CMD) ou si le client a transmis « des informations erronées ou in-com-plè-tes » (SEC/Tango), et ce sans mise en demeure ou indemnité. De plus, sévérité oblige, la sanction de l'annu-lation du contrat s'accom-pagne toujours de pénalités ex-ces-sives : « Le client sera immédia-te-ment re-devable d'un montant égal à la totalité des abonnements men-suels à échoir jusqu'à la fin de la période contractuelle ». « Toutes les sommes re-dues... sont en outre majorées de quinze pour cent » ou en-core une in-demnité forfaitaire de 20 000 francs par année entière sera due.
Selon la loi, le professionnel a le droit de mettre un terme au contrat à condition que le motif soit légitime comme le refus du consommateur de payer ses factures. Mais en vertu du principe de la réciprocité des obligations, le professionnel ne peut exiger du consommateur des obligations qu'il ne s'impose pas lui-même. Ainsi, lorsque les prestataires de téléphonie s'accordent un dédommagement en cas de résiliation alors le client qui résilie un contrat Mobilux, CMD, ou SEC/Tango devrait obtenir le remboursement prorata pour l'abonnement en cours. Actuellement, s'il résilie le contrat avant son échéance, le client est tenu de payer « la totalité des redevances d'abonnement à échoir jusqu'à l'expiration de la durée initiale du contrat »!
Ces clauses inacceptables ont été relevées dans les principaux contrats de téléphonie mobile qui sont signés à Luxembourg. Habituellement les contrats sont souscrits pour une durée minimale d'une année avec une reconduction tacite. Ainsi un client mécontent du service parce que son portable ne fonctionne pas sur le lieu de son travail, ou qui déménage dans une zone non couverte par le réseau, va devoir continuer à payer une prestation à laquelle il ne peut accéder. Pire encore, ceux qui laissent passer la date anniversaire de la demande d'abonnement et/ou de service doivent patienter à nouveau une année pour mettre fin à leur abonnement ! Il reste beaucoup de travail aux associations de consommateurs qui se lanceraient dans la dénonciation de ces clauses abusives conformément à la loi de 1983 qui offre une telle action.
Mais le jeu en vaut la chandelle, n'oublions pas que plusieurs décisions de justice viennent d'épingler en France à l'initiative de l'association de consommateurs UFC, les professionnels Itinéris, SFR, Carrefour et Sagem, auxquels il était reproché la présence de clauses abusives dans leurs contrats. Par plusieurs jugements successifs, le Tribunal de Grande Instance de Nanterre a précisé que l'exonération du professionnel en cas de service perturbé ou d'erreurs de facturation, la modification discrétionnaire des modalités de paiement et le versement à tout moment d'un dépôt de garantie par l'abonné constituaient des clauses abusives.
Enfin et surtout, le tribunal a estimé que la clause qui instaure une in-demnité pour l'opérateur en cas de résiliation de l'abonnement avant l'échéance de douze mois était illégale !
Les rédacteurs des contrats qui circulent et sont signés au Luxembourg (CMD, Mobilux, SEC-/Tan-g-o-) con-nais-sent certainement cette ju-ris-prudence à tel point qu'ils envisagent même préventivement la sanction des clauses critiquables : « En cas de nullité d'une ou plusieurs clauses du contrat, les autres clauses restent valables. »
Le choix de ces professionnels de pratiquer la politique « du fait accompli » en insérant des clauses qu'ils savent litigieuses et en jouant sur l'ignorance de leurs clients, démontre bien qu'il est temps de réagir afin de protéger les intérêts des consommateurs.