Moritz (Dominique Jann), Liocha (Jol Basman) et Filou (Tómas Lemarquis) passent leurs journées dans les rues d’une ville allemande imaginaire et gagnent leur pain avec des boulots peu communs. Moritz sert de cobaye à l’industrie pharmaceutique, Liocha fait don de son sperme une fois par semaine et Filou promène des chiens. Malgré leur pauvreté, les jeunes hommes qui squattent une vieille serre botanique, sont à l’aise dans cette vie qui leur réserve chaque jour une nouvelle aventure. Tout bascule lorsque les trois décident de vendre chacun quelque chose de très personnel sur Internet. Liocha propose son enfance en Russie, Moritz vend son avenir et Filou se déclare même prêt à laisser son âme au plus offrant. Ce qui commence comme une blague devient vite sérieux lorsque les enchères et les tensions entre les amis montent…
Sous forme d’une fable contemporaine, Luftbusiness de la réalisatrice suisse Dominique de Rivaz (Mein Name ist Bach, 2003), s’inspire des ventes aux enchères parfois bizarres sur e-Bay pour demander jusqu’à quel point l‘être humain peut s’aliéner. Dans ce monde fictif, situé dans un futur proche, la conscience est devenu une rareté. Les trois héros et leurs quelques amis comme Monsieur Körlin (André Jung), qui ramasse les morts dans la rue, semblent les derniers conservateurs d’un humanisme rongé par la course aux gains matériels.
Cette co-production entre la société suisse CAB et le producteur luxembourgeois Iris, entièrement tournée au grand-duché, utilise différents décors urbains locaux pour créer un croisement intemporel entre ville moderne aseptisée et paysage désorganisé aux traits apocalyptiques. L’exploitation visuelle de ces espaces originaux reste malheureusement assez conventionnelle. L’excentricité des personnages et le symbolisme des lieux ne se reflètent pas dans les cadrages et les mouvements de caméra.
La narration, souffrant de quelques longueurs, est surtout portée par l’expressivité des acteurs Tómas Lemarquis – Franco-islandais, dont certains se rappellent certainement l’interprétation dans l’excellent Nói albínói (2003, Dagur Kári) – et Dominique Jann, qui a remporté pour ce rôle le Prix du cinéma suisse. La gravité et le mystère de l’un contrastent bien avec la gaîté et l’extravagance de l‘autre. Dommage seulement que l’on apprenne si peu sur ces personnages intrigants.La musique du charismatique groupe anglais Tiger Lillies dans le répertoire duquel la réalisatrice a pu puiser à sa guise, rajoute une bonne dose d’ironie à une histoire par ailleurs assez terne, qui se contente d’une valeur symbolique évidente, peu approfondie. Les conclusions sur la société de consommation et la perte d’identité restent finalement convenues.
Dans la programmation courante, Luftbusiness est précédé par le court-métrage d’animation Le vieil homme dans le brouillard, écrit et réalisé par Thierry Schiel. Le film raconte la confrontation d’un homme avec son passé douloureux à travers une rencontre inattendue à l’arrêt de bus. D’une excellente qualité technique, cette animation accroche également par une narration inventive et bien structurée. Un bijoux de son genre, qui fera sans doute encore parler de lui dans les festivals.