« Sobre », « exécutive », « facilitatrice » sont les maîtres mots qui qualifient l’orientation de la Présidence belge qui a pris place ce 1er juillet. Avec un gouvernement en affaires courantes depuis le 26 avril, la Belgique ne sera pas une présidence fantôme, au contraire, elle se veut active sur différents dossiers clef dans le strict respect des droits que lui confère le traité de Lisbonne. Le ton est donné : elle ne cherchera pas à porter ombrage au président stable du Conseil européen, Herman Van Rompuy, ou à la Haute représentante pour les affaires étrangères, Catherine Ashton comme l’a encore tenté la Présidence espagnole sortante. Tel fut le message du Premier ministre sortant Yves Leterme, du ministre des Affaires étrangères, Steven Vanackere et du secrétaire d’État aux affaires européennes, Olivier Chastel, lors de la présentation officielle du programme semestriel le 25 juin à Bruxelles. Pour la douzième fois de son histoire, la Belgique se trouve aux commandes de la Présidence du Conseil avec un programme relativement ambitieux et avec un état d’esprit assez modeste : assumer le rôle d’« honnête médiateur », selon les termes de Steven Vanackere, « capable de jeter des ponts et de faire avancer les dossiers » au sein des institutions de l’UE. Cela signifie en pratique que la Belgique aura notamment pour tâche de présider les réunions du Conseil sauf en matière de politique étrangère qui depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, est gérée par Herman Van Rompuy, et par Catherine Ashton.
La Belgique étant un État fédéral complexe, les réunions du Conseil seront présidées tantôt par des ministres fédéraux tantôt par des ministres régionaux ou communautaires. Ainsi, en matière d’environnement ou d’agriculture – qui sont principalement des compétences régionales –, ce sera un ministre régional qui assurera la tenue des travaux. Chaque ministre – fédéral ou émanant d’une entité fédérée – représente la Belgique dans son ensemble. La présidence du conseil a aussi pour mission de favoriser l’adoption des actes législatifs (règlements, directives, décisions,…) et de rechercher des compromis en cas de désaccords.
Dans ce contexte, le programme, approuvé le 16 juin par l’ensemble des gouvernements du pays, malgré une situation politique interne difficile due aux négociations pour former une nouvelle coalition, détaille le cadre stratégique global du prochain semestre. Il se décline autour de cinq axes prioritaires. L’axe socio-économique a pour ambition de poser les premiers jalons de la Stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive (2010-2020), qui constitue un plan stratégique destiné à relancer la croissance économique européenne : il s’appuie sur l’innovation technologique ainsi que sur la recherche et le développement. L’axe social s’attachera à la poursuite du débat sur les services publics en Europe, et sur la lutte contre la pauvreté et les violences conjugales. Le troisième axe, environnemental, confortera les efforts de l’Europe en vue d’une transition vers une société pauvre en carbone. La présidence veut entamer le débat sur la feuille de route pour une « Économie bas carbone à l’horizon 2050 ». L’événement majeur à cet égard sera le Sommet de Cancún du 29 novembre au 10 décembre, creuset des négociations internationales sur le réchauffement climatique. La conférence internationale sur la biodiversité en octobre sera aussi très préparée. Le volet Liberté, sécurité et justice sera centré sur les préoccupations en matière d’asile et d’immigration, mais également sur la lutte contre le crime organisé et le terrorisme. La reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires figurera aussi à l’agenda européen de la Belgique. Le dernier, l’axe Dimension extérieure, sera principalement consacré à la mise en place du Service européen d’action extérieure (SEAE), le futur organe diplomatique de l’UE et à la poursuite de la politique d’élargissement, Bruxelles espèrant arriver à conclure un accord sur les négociations d’adhésion avec la Croatie. Mais Zagreb est loin de remplir les conditions nécessaires.
Mais précise Olivier Chastel, au-delà de ces thèmes principaux, la présidence belge souhaite faire avancer plusieurs dossiers législatifs, notamment en matière financière : la création d’une autorité européenne de supervision financière, le développement d’un cadre réglementaire pour les fonds alternatifs. En matière institutionnelle, outre la mise en place effective du SEAE, il y a aussi l’élaboration et l’approbation du budget 2011, premières négociations à intervenir sous les nouvelles dispositions de Lisbonne et le règlement sur l’initiative citoyenne européenne sur lequel elle espère dégager un compromis entre Parlement et Conseil. Un autre sujet d’actualité brulant devra être traité durant ce semestre qui touche au partage de données interbancaires entre les États-Unis et l’UE dans le cadre de la lutte contre le terrorisme : la concrétisation de l’accord SWIFT, qui a été bloqué par le Parlement en février dernier et qui a fait l’objet d’un consensus lundi 28 juin, lors de l’ accord signé par l’UE pour le transfert de données financières aux États-Unis à compter du 1er août. Si le Parlement européen l’approuve début juillet lors de sa session plénière. En matière agricole, « le travail de réflexion entamé par les présidences précédentes sur l’avenir de la PAC après 2013, notamment sur la base des résultats de la consultation publique organisée par la Commission » sera poursuivi, indique le document de programme de la présidence. Les dossiers qui mettent en œuvre la réforme du marché intérieur seront aussi au cœur l’agenda de Bruxelles, bien que n’étant pas une priorité affichée. La relance du marché unique implique différents dossiers transversaux programmés pour le second semestre 2010. Cette orientation associe étroitement un renforcement du marché unique et une stricte application des règles de concurrence. Dans le cadre du volet visant à mettre en place une « croissance intelligente », l’innovation tient une place prépondérante et le renforcement des droits de propriété intellectuelle en fait partie. La présidence l’a inscrit à son calendrier qui comprend d’une part la mise en place d’un système communautaire de protection des brevets avec une juridiction européenne de brevets à laquelle seront soumis les litiges concernant le brevet communautaire et les brevets européens déjà existants et d’autre part l’adoption d’un régime linguistique des brevets. Le premier point est suspendu à la réponse de la Cour de justice à l’avis que lui a soumis le Conseil. Le second reposera sur la proposition de la Commission prévue pour fin juin mais compte tenu blocages de certains États, notamment l’Espagne, les négociations s’annoncent ardues. L’adoption des textes sur l’étiquetage des denrées alimentaires fait aussi partie de ces textes législatifs qui doivent être conclus au Conseil ce prochain semestre, mais probablement en procédure de conciliation (troisième lecture). Un accord est attendu sur les règles de pharmacovigilance et plus largement des avancées sur tout le reste du paquet pharmaceutique qui touche à l’amélioration des informations aux patients et mesures sur les médicaments falsifiés. Quant au volet transports, Bruxelles espère aboutir à un compromis sur le projet d’Eurovignette, un dossier sensible qui revient sur la scène qui permettrait aux États membres d’imputer les externalités environnementales à tous types de mode de transports, principalement les coûts engendrés par les transports de marchandises par camion (pollution, bruit, congestion des axes routiers...). Autre gros dossier dans ce domaine : la refonte des directives du premier paquet ferroviaire européen, c’est-à-dire les règles qui doivent garantir un accès non discriminatoire des entreprises ferroviaires aux réseaux des 27. La proposition est annoncée pour l’été par la Commission après près de deux ans de blocage.