C'est l'histoire d'un mec qui s'appelle Fred, qui rêve de vivre écrivain, a écrit sept manuscrits en cinq ans et se réveille le matin au rythme des réponses négatives des maisons d'édition qui laissent des messages sur son répondeur. Grand idéaliste, il écrit ses manuscrits exclusivement à la main. Son inspiration lui provient d'une muse, qui a pour lui un regard très tendre et une pléiade d'histoires à raconter. Un jour, Fred est électrocuté à un distributeur automatique de billets et se rend compte le lendemain qu'en fait depuis lors, il chie des euros. Dans le sens propre du terme, un véritable Geldschësser, mais aussi au sens figuré: Fred a attrapé le génie de l'argent, il se rend compte qu'il sent où va l'argent... un rêve pour les banques, il se fait immédiatement embaucher dans une salle de marché, troque son stylo contre un ordinateur, son jean contre un costume et ses idéaux contre un portable.
C'est l'histoire d'un mec qui s'appelle Fred. Mordu de cinéma, cinéphage dès le lycée, il voulait faire une école de cinéma, mais les conseils paternels l'ont fait opter pour la publicité. En 2001, il a obtenu sa licence à l'Ihecs à Bruxelles. À 26 ans, il anime e.a. trois émissions de cinéma sur Tango TV - Final Cut, Shorties, On the Set - et vient de réaliser son cinquième court-métrage. Les quatre premiers, il ne les a réalisés que pour soi, tout seul en quelque sorte, mais celui-ci, Geldschësser, est déjà plus ambitieux, tourné dans des conditions semi-professionnelles, avec l'aide logistique de Tango TV, qui le diffusera jeudi prochain, 6 février.
Mais attention: ambitieux n'est pas synonyme de prétentieux! «Je voulais surtout me concentrer sur la forme, explique Fred Neuen, je suis conscient de mes faiblesses, qui sont peut-être du côté du scénario. Mais Geldschësser a été entièrement tourné sans moyens, dans un esprit de franche camaraderie. Je voulais voir jusqu'où on pouvait aller tout seul.» Fred Neuen n'a pas pris le chemin officiel des dossiers de demande d'aide au Fonds de soutien à la production audiovisuel ou du CNA, il n'est pas allé voir une grande société de production. Il a l'esprit et la détermination des pionniers d'il y a vingt ans, qui voulaient faire du cinéma et ont créé toute cette petite industrie luxembourgeoise du film qui existe et exporte aujourd'hui. Que Tango TV le soutienne est tout aussi réjouissant, puisqu'elle contribue ainsi à créer des alternatives au monopoliste du Kirchberg.
Geldschësser n'est pas un film révolutionnaire. Mais c'est un indicateur de ce qui occupe un jeune aujourd'hui au Luxembourg: ce n'est rien d'autre que l'interrogation de celui qui tente de faire sa vie du côté de la création dans un pays qui ne pense que gros sous. Dans un sens plus large aussi, c'est l'opposition du monde digital, numérique au monde analogue, plus humain - un manichéisme simpliste, mais c'est probablement le format qui en rajoute aussi.
Du côté de la forme, le film est à cent pour cent dans l'esthétique de la pub et de MTV, Viva, Tango TV et autre Planet RTL: un montage dynamique, souvent associatif, sursaturations de l'image, ralentis, accélérés, filtres, recherche d'angles de prises de vue et d'enchaînements originaux... On reconnaît ses inspirations - «je bouffe des films» dit-il: films d'animation, cinéma asiatique, le cinéma mystérieux de David Lynch, un clin d'il aussi à Matrix.
Le Fred du film est incarné par Jules Werner, ancien rising star du Centaure qui est parti faire des études de théâtre à Londres, où il vit et travaille aujourd'hui. Jules est le cousin de Fred Neuen et a réussi à convaincre Myriam Muller de participer au projet, ensemble avec d'autres acteurs professionnels comme Jean-François Wolff ou Steph Alexis. Ils ont tous travaillé quasi bénévolement ici. C'est rassurant que cet engagement existe, comme si la transmission d'une passion était assurée. Fred Neuen nous promet que nous allons encore entendre parler de lui.
Geldschësser, écrit et réalisé par Fred Neuen, avec Myriam Muller, Jules Werner, Steph Alexis, Jean-François Wolff e.a., produit par Tango TV, a été tourné en vidéo, dure 15 minutes et sera diffusé une première fois jeudi 6 février à 18h30 sur Tango TV.