« Globalement insuffisant ». Le jugement du Greco (Groupe d’États contre la corruption), organe du Conseil de l’Europe dans lequel le Luxembourg est représenté, sur la « transparence du financement des partis politiques » tombe comme un couperet. Dans le rapport de conformité aux recommandations du Greco qui vient d’être publié, les auteurs regrettent que, malgré quelques avancées sur le contrôle financier interne des partis politiques ou la formation des responsables sur les implications de la nouvelle loi de 2007 sur le financement des partis, « la grande majorité des recommandations n’ait à ce jour été mis en œuvre, même pas partiellement ». Et de constater que « le gouvernement a décidé, en la matière, de laisser l’initiative aux partis politiques ». Certaines critiques de Strasbourg concernent des questions formelles, comme la mise en place de plans comptables uniformisés ou d’un suivi de la nouvelle loi, d’autres sont plus fondamentales, comme celle sur l’absence de sanctions « efficaces, proportionnées et dissuasives » ou d’un statut juridique propre des partis – ce que les partis refusent, par crainte d’une judiciarisation de la vie politique. Le Greco lance donc une procédure disciplinaire à l’encontre du grand-duché (article 32 de ses règles de fonctionnement interne), le sommant en premier lieu de faire rapidement un rapport sur la suite accordée aux recommandations qu’il a formulées.
Alors qu’ils sont en pleine préparation de la campagne électorale pour les communales de 2011, la première dont le financement sera organisé selon les règles très strictes de la nouvelle loi – plus de rigueur dans la comptabilité, interdiction de dons d’entreprises, nécessité de comptabiliser nominativement les donateurs privés au-delà de 250 euros –, les partis politiques ont la tête ailleurs. Il aura fallu plus de deux ans aux organes centraux pour discipliner leurs sections locales, qui peuvent être une centaine pour les plus grands, gérées comme des clubs locaux par quelques militants plus ou, le plus souvent, moins versés en comptabilité. Mais au niveau au-dessus, personne ne se sent vraiment concerné par les exigences du Greco : le gouvernement n’a jamais apprécié l’initiative des partis de vouloir être financés par les deniers publics et s’est ouvertement déresponsabilisé. Le dossier du Greco avait traîné des mois à la Chambre des députés avant que le greffe ne saisisse en urgence la Commission des institutions pour envoyer une réponse à sa requête avant la fin 2009. Finalement, ce furent plusieurs documents disparates, dont le premier rapport de la Cour des comptes pour l’exercice 2008 qui ont été transmis à Strasbourg.
Or, si le Greco ne sait pas vraiment à qui s’adresser, mais demande néanmoins plus de rigueur et de transparence, il y a fort à parier qu’il ne recevra pas davantage satisfaction cette année que les précédentes. Car en temps de crise, le financement (généreux) des structures politiques est une patate chaude, on l’a vu avec les discussions sur les économies que la Chambre des députés est prête à concéder : si on demande au citoyen de contribuer au plan d’austérité, comment ne pas faire des efforts soi-même ? – au risque de se faire reprocher d’être démagogique. Les partis politiques qui répondent aux critères définis par la loi reçoivent cette année 2,56 millions d’euros du budget de l’État, leurs groupes parlementaires 2,59 millions, à ce qui s’ajoutera, dans les bilans de 2009, 1,73 million pour le remboursement des frais des campagnes électorales... cela commence à faire une belle somme.
Alors on peut argumenter, comme le font les défenseurs du système, que c’est un investissement dans le bon fonctionnement des structures démocratiques du pays, que le financement direct des partis par l’argent public immunise le système contre la corruption – le Greco ne veut rien d’autre – ou que la politique devient de plus en plus complexe et nécessite une professionnalisation de son personnel. Tout cela peut être sensé. Mais qu’on le dise alors, clairement, et d’une seule voix.