Marché de l’art

Fédérer un milieu concurrentiel

d'Lëtzebuerger Land du 04.11.2016

Alex Reding n’est pas du genre à se laisser facilement abattre. Le très dynamique galeriste de Nosbaum-Reding est l’initiateur et le directeur de la première grande foire d’art au Luxembourg, l’Art Week, dont la deuxième édition s’ouvrira mercredi prochain, 9 novembre, pour durer jusqu’au dimanche 13. Infatigable, il a ajouté, à la demande du Premier ministre et ministre de la Culture Xavier Bettel (DP), un troisième élément au puzzle de ce grand événement fédérateur de la scène nationale : à côté de la vingtaine de galeries nationales et internationales réunies au Hall Victor Hugo sous le titre Positions, et du Salon annuel du Cercle artistique (Cal), le visiteur y trouvera la section Take off, une « affordable art fair » comme il s’en tient désormais de New York à Hambourg (où elle aura lieu exactement au même moment). De jeunes galeries, des associations sans but lucratif ou des associations spontanées d’au moins deux artistes indépendants ont pu y louer un stand au prix de mille euros pour les cinq jours afin d’y vendre leurs œuvres, qui ne doivent pas dépasser les 3 000 euros : multiples, gravures, tirages, mais aussi des œuvres de taille réduite.

Faciliter l’accès à l’art, aussi et surtout économique, étant une des priorités politiques de Xavier Bettel, il était prêt à participer financièrement à cette partie de la foire, avec un soutien, cette année, de l’ordre de 40 000 euros ou 80 pour cent des frais de Take off, qui se tiendra sous un chapiteau érigé sur le parking du hall. Parmi les stands les plus attendus de ce premier Take off, on citera celui, commun, d’Eric Schockmel et de Mike Bourscheid (artiste sélectionné pour représenter le Luxembourg à la biennale de Venise en 2017), chez Nosbaum-Reding Projects, les collages subversifs et iconoclastes de Charles Wennig chez Artcontemporain.lu, les tableaux de Chantal Maquet chez Art Work Circle (plateforme en-ligne) ou la collaboration entre Sandra Biewers et Théid Johanns.

L’année dernière, une des critiques récurrentes à l’encontre de la première Art Week, aussi bien des visiteurs que des exposants, fut celle de la date : en pleines vacances scolaires de la Toussaint. Et vacances scolaires au Luxembourg est toujours synonyme d’exil d’un tiers de la population à fort pouvoir d’achat vers des cieux plus cléments. Cette année, la foire, désormais organisée par la Luxembourg Art Week SA (présidée par Alex Reding), en collaboration avec la Ville de Luxembourg et l’Agence luxembourgeois d’action culturelle, a donc été déplacée d’une semaine, pour qu’elle ait lieu après ces vacances scolaires. Or, cela l’a confrontée à d’autres difficultés : en 2015, la date avait été choisie pour tomber entre la grande foire parisienne Fiac et Paris Photo. Mais cette année, elle se tient donc en parallèle à Paris Photo, ce qui implique qu’un certain nombre de prestigieuses galeries internationales, notamment Lelong, ne reviennent plus. Elle sont (partiellement) remplacées par de nouvelles venues, comme Aeroplastics de Bruxelles ou C+N Canepari de Milan (toutes les deux représentent l’artiste luxembourgeois Filip Markiewicz à l’international).

Si une foire comme la Fiac attire plus de 70 000 visiteurs prêts à payer 35 euros de droit d’entrée et que les galeries se battent pour y être sélectionnées, l’Art Week, qui comptait un dixième de ces visiteurs en 2015, mise plutôt sur la convivialité. Cette année, au-delà des vernissage, soirées privées organisées par les sponsors et du restaurant à l’entrée, il y aura une garderie, des ateliers créatifs pour enfants, des stands des partenaires institutionnels (le Casino Luxembourg notamment déménagera une partie de son Infolab au Limpertsberg), des table-rondes sur l’art dans la Grande Région, l’importance des dons et legs pour les musées ou la future galerie d’art luxembourgeois ainsi que des concerts de pop-rock à l’heure de la fermeture, histoire d’encourager les rencontres informelles entre galeristes, collectionneurs, artistes et simples amateurs d’art.

S’il s’agit donc toujours d’une organisation légère et dynamique, la concurrence semble lui donner raison : début décembre aura lieu une manifestation cent pour cent commerciale à Luxexpo. La Luxembourg Art Fair organisée par la société française Art3f promet d’attirer 80 galeries. « Je me réjouis, dit Alex Reding, que les organisateurs de cette manifestation croient qu’on peut gagner de l’argent avec l’art. Mais leur philosophie est totalement différente de la nôtre... » Car lui reste persuadé que la scène artistique a fondamentalement besoin de se fédérer afin d’avancer. Le fait que la demande de la part des galeries autochtones de pouvoir participer à la foire soit si forte – elles sont douze au final – est donc un bon signe, à ses yeux. Elles présenteront, parmi tous les artistes internationaux qu’elles défendent, aussi une quinzaine d’artistes luxembourgeois, de Jhemp Bastin en passant par Feipel & Bechameil ou Tina Gillen à Franck Miltgen ou Max Dauphin. Voilà une autre sélection que celle des musées, si décriée.

La deuxième Art Week se tiendra du 9 au 13 novembre au Hall Victor Hugo à Limpertsberg ; programme complet disponible en-ligne : http://luxembourgartweek.lu.
josée hansen
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