« La pire année » pour les rapatriements librement consentis depuis deux décennies, telle est la désignation du Haut commissaire des Nations Unies pour les réfugiés António Guterres pour l’année 2009, dans le rapport sur les tendances globales qui vient d’être publié mardi. Dans le monde, quelque 43,3 millions de personnes ont été déracinées de force, 15,2 millions sont réfugiées, et les conflits majeurs comme en Afghanistan, en Somalie ou en République démocratique du Congo « ne laissent entrevoir aucun espoir de solution » ce qui entraîne une prolongation de la durée de séjour des personnes en exil, souvent au-delà de cinq ans. « Davantage de réfugiés vivent dans les villes, essentiellement dans le monde en développement, écrit António Guterres dans un communiqué, contrairement à l’idée qui veut que les réfugiés inondent les pays industrialisés. »
Le gouvernement luxembourgeois, « dans un effort de solidarité » a « accepté un contingent de réfugiés, majoritairement irakiens, et s’est engagé à accueillir des réfugiés reconnus à Malte » lit-on dans le Rapport politique 2009 sur les migrations et l’asile du point de contact luxembourgeois du Réseau européen des migrations (REM), qui sera présenté dans le cadre d’une conférence sur les nouvelles formes de migrations aujourd’hui à l’Abbaye de Neumünster. Fin 2009, sept familles totalisant 28 personnes d’origine irakienne et en provenance de Syrie ou de Jordanie étaient arrivées au Luxembourg dans le cadre des engagements internationaux du pays. Mais en règle générale, le grand-duché reste peu touché par les mouvements de populations mondiaux, sa seule frontière non-EU étant l’aéroport. Or, il n’y a pas de statistiques sur le nombre de refus d’entrée sur le territoire de la police des frontières au Findel.
Push-Pull Factor Les migrations que connaît le Luxembourg sont donc majoritairement intra-européennes, suivant le marché du travail : fuyant un chômage élevé chez eux, de plus en plus de Portugais par exemple viennent au Luxembourg (2 222 en 1980, 4 385 en 2007, derniers chiffres disponibles), alors que le nombre de résidents de nationalité française a presque doublé en vingt ans aussi, à 2 799 en 2007. Dans le glossaire européen que vient de publier le REM, cela s’appelle Push-Pull Factor : une combinaison de facteurs qui font partir les migrants de chez eux et de ceux qui attirent dans le pays de destination. L’économie alors florissante et le marché du travail vorace en main d’œuvre, avant le déclin de 2009, furent les principaux facteurs d’attraction du Luxembourg. L’accueil et la protection de populations en danger ou persécutées dans des zones de crise sont beaucoup moins importants : dans la balance de l’immigration, 16 675 nouveaux arrivants en 2007, les demandeurs de protection internationale, 463 la même année, jouent un rôle minime (2,78 pour cent, contre dix fois plus au faîte de la guerre du Kosovo, en 1999). En 2009, 207 demandeurs déboutés ont quitté le Luxembourg, dont 51 pour cent étaient volontaires et 25 pour cent ont été éloignés « sous escorte ».
Mardi, les responsables locaux du Réseau européen des migrations se sont présentés une première fois à la presse. Une conférence publique avait eu lieu fin novembre 2009, invitant tous les acteurs, institutionnels ou non, à un échange d’informations. Une deuxième manifestation, la conférence New forms of migration : Political and scientific challenges, plus scientifique, se tient aujourd’hui au Grund. Christel Baltes-Löhr, par ailleurs déléguée aux questions féminines de l’Université, a été déchargée à mi-temps pour piloter le REM luxembourgeois, qui réunit entre autres des chercheurs de l’Université du Luxembourg, du Ceps-Instead, du Statec, du Sesopi-CI et de représentants des ministères de la Famille et de l’Immigration. « L’Université, dit Christel Baltes-Löhr, prend de plus en plus conscience de l’importance du thème des migrations. Mais nous ne sommes encore qu’au tout début du processus. »
La pression, comme si souvent sur les questions d’égalité de traitement et de libre circulation, vient de Bruxelles. Le REM a été créé suite à une décision de la Commission européenne de 2008, avec des points nationaux de chaque pays afin de disposer d’informations objectives et fiables sur les politiques et statistiques des migrations, dans le but, à moyen terme, d’uniformiser les politiques européennes dans ce domaine. D’où la publication, quasi simultanée, de plusieurs études, qui seront présentées aujourd’hui, et la préparation de deux analyses sectorielles, sur le lien entre les besoins du marché du travail et les migrations (avec un workshop le 28 juin) et sur les migrations temporaires et circulaires (avec un deuxième workshop le 23 septembre).
À ces occasions-là, le secteur associatif, historiquement précurseur dans le domaine de l’étude des migrations (Asti, Clae, Centre d’études sur les migrations humaines), devrait être impliqué. En s’y prenant bien, l’antenne luxembourgeoise du REM pourrait devenir une interface utile pour objectiver le débat, souvent passionnel sur ce sujet, et fournir des données incontestables pour influencer aussi bien les politiques nationales qu’européennes.