«Les principales publications sur la famille Pescatore datent de cinquante ans et plus, et le moment nous semble venu de réactualiser cette histoire.» En lisant cette phrase de l'introduction du nouveau livre paru sur la généalogie de la famille Pescatore, le lecteur s'attend à d'intéressantes découvertes qui ont été faites grâce à des recherches approfondies. Hélas, il devra vite constater qu'il n'en est rien. Car la nouvelle publication d'Antoine Wehenkel est une simple réécriture des deux principaux ouvrages sur cette famille (datant de 1949 et de 1956), dans l'intention de présenter de façon plus transparente l'histoire complexe de la famille Pescatore de ses origines jusqu'à nos jours.
La seule nouveauté du livre est une mise à jour des dates de naissance, de mariage et de mort de tous les membres de la dernière génération de cette immense famille (dont l'auteur fait également partie), ce qui peut bien sûr être passionnant pour tout adepte de la numérologie. Mais ceux qui cherchent une analyse plus approfondie à côté de ces nombres interminables, ils resteront déçus.
Encore plus grave me semble toutefois le fait que l'auteur, dans sa réécriture d'informations déjà existantes, ne se soit pas donné la peine d'utiliser des ouvrages récents, afin de faire au moins le point sur la situation actuelle de la recherche.
Prenons le cas de l'un des membres les plus illustres de cette famille bourgeoise qu'est sans doute Jean-Pierre Pescatore (1793-1855), auquel le livre dédie une partie considérable. Étant donné que Jean-Pierre Pescatore était un personnage important dans l'histoire du Luxembourg et de la France, plusieurs ouvrages et articles lui ont été dédiés durant les dernières décennies, publications ignorées par l'auteur du présent livre. Donnons deux exemples: D'abord, en parlant des affaires commerciales de Pescatore à Paris et de la banque qu'il y a créée, on lit (p.109): «Nous sommes dans l'ignorance en ce qui concerne le nom, la structure et le champ d'activité de cette banque.» Or, si l'auteur s'était mieux documenté, il aurait trouvé un ouvrage publié récemment, de Nicolas Stoskopf 1), parlant des banquiers parisiens du XIXe siècle, dans lequel se trouve également une brève présentation des affaires de J.-P. Pescatore. On y apprend que la banque s'intitulait J.P. Pescatore et qu'elle était une société en nom collectif formée le 27 décembre 1844 entre J.-P. Pescatore et F. Grieninger avec les indications concernant la division du capital et du bénéfice.
Ensuite, l'auteur insiste à plusieurs endroits du livre sur le fait que le testament de Jean-Pierre Pescatore n'aurait pas été respecté en ce qui concerne l'emplacement de sa collection d'objets d'art, qu'il avait léguée à sa ville natale. Pour clarifier ce point, j'aimerai d'abord citer le passage relatif du testament: «Je lègue à la Ville de Luxembourg les tableaux, dessins, statues, bibliothèque et objets d'art [...]. Ils seront convenablement placés, de préférence dans l'établissement à créer [Fondation Pescatore], à l'aide du legs ci-dessus, et cette fondation ainsi que la dite collection porteront mon nom».
Il est donc vrai que Jean-Pierre Pescatore aurait préféré une présentation de sa collection dans la Fondation, mais l'auteur semble ignorer que cela n'a pas été réalisé grâce au bon sens de Tony Dutreux, membre de la famille Pescatore, architecte de la Fondation et premier conservateur de la collection. Dans une lettre au Conseil Communal en 1877, ce dernier s'est formellement opposé à un tel projet pour des raisons pertinentes de présentation, de conservation et de sécurité des oeuvres d'art dans une maison de retraite ayant une forme de gestion différente d'un musée.
Enfin en ce qui concerne le placement convenable, contesté par l'auteur, il me semble respecté, ou est-ce qu'il faudra douter de la parfaite convenance de la Villa Vauban à cette collection de peinture ancienne (XVIIe et XIXe siècles)? Il reste toutefois effectivement déplorable qu'elle ne puisse pas être montrée en permanence et l'auteur a bien raison de rendre attentif à ce fait.
Cependant, si cette collection lui tient autant à coeur, comment se fait-il qu'Antoine Wehenkel se borne à citer mot par mot un extrait plein de fautes de Jules Mersch de 1949, sans considérer les publications récentes y relatives? Cela aurait peut-être pu éviter aux lecteurs de lire maintes erreurs de noms d'artistes comme van Steen au lieu de Steen, ou van Slingenandt au lieu de van Slingelandt, ainsi que de titres d'oeuvres comme Jeune Turc caressant son cheval qui devient Grec debout, appuyé sur la tête de son cheval ou Le Giaour qui devient Le Giacour (sic!) pour ne citer que celles-ci.
Enfin, astuce graphique (composition et layout: Jean-Claude Muller) ou ironie du sort, pour se détendre après tant de déceptions, le lecteur peut démonter l'encadré central (montrant le portrait de J.-P. Pescatore peint par Grosclaude) de la couverture du livre afin de «l'utiliser» ...dans le meilleure des cas, comme signet.
1) Nicolas Stoskopf: Les patrons du second Empire, Tome 7: Banquiers et financiers parisiens, Paris 2002, p. 293-296.
Antoine Wehenkel: Chronique de la famille Pescatore - Une histoire généalogique et culturelle, Ses liens avec les familles Beving, Boch, Dutreux, de Gargan, de Scherff, édité par l'Association luxembourgeoise de généalogie et d'héraldique asbl., 336 pages, prix: 35 euros, ISBN: 2-919919-15-9.