Depuis début septembre, Chrome, le navigateur de Google, n’active plus, par défaut, une partie des publicités proposées en Flash, la technologie de présentation de contenu audiovisuel d’Adobe qui n’en finit pas de mourir depuis près d’une dizaine d’années. Progressivement, Chrome affichera comme des images fixes et muettes les publicités flash contenues dans les pages web visitées : il s’agit des contenus non éligibles pour une conversion en HTML5 lors de leur mise en ligne via AdWords, la plateforme publicitaire de Google.
Il y a de bonnes raisons d’espérer que cette décision enfoncera le dernier clou dans le cercueil de cette technologie moribonde, qui consiste en un plug-in ajouté au navigateur. Chrome représente aujourd’hui environ la moitié du marché des navigateurs. L’autre grand navigateur, Firefox, entretient depuis quelques années
des relations tendues avec le plug-in d’Adobe, le désactivant par défaut et forçant ses utilisateurs à télécharger la dernière version du dispositif, avec des résultats parfois hasardeux. En juillet dernier, après la découverte d’une nouvelle faille critique du Flash Player, le responsable de la sécurité de Facebook, Alex Stamos, demandait qu’une date définitive soit fixée pour enterrer Flash – et ce alors que le réseau social continue de l’utiliser sur certains navigateurs.
Comme une bonne partie de la résistance à l’abandon de Flash provenait du marché publicitaire, très attaché à la technologie, on peut supposer qu’une étape importante vient d’être franchie avec la mise en oeuvre progressive de la décision de Google relative à AdWords.
Toutefois, comme la mort de la technologie Flash n’en finit pas d’être annoncée et qu’il faut reconnaître, à son crédit, qu’elle a remarquablement bien survécu aux multiples initiatives destinées à la propulser au cimetière, il ne faut peut-être pas se réjouir trop tôt. Ces initiatives avaient commencé en 2007, quand Apple avait lancé un smartphone dont le navigateur ne supportait pas ce plug-in. Apple avait mis en avant l’incapacité d’Adobe à en développer un suffisamment économe en ressources et en énergie pour un appareil mobile. Steve Jobs avait expliqué dans une lettre très remarquée que les terminaux mobile de son entreprise ne soutiendraient jamais Adobe Flash. La version Android avait à son tour été abandonnée par Adobe, pour les mêmes raisons : dans un environnement plutôt favorable aux mobiles, avec une forte croissance du marché publicitaire sur smartphone, cela augurait mal pour la suite.
Pour les navigateurs des terminaux fixes, ce sont surtout des preoccupations de sécurité liées aux différentes versions du « Flash Player », qui ont découragé les développeurs. Les failles étaient nombreuses, et fréquemment les correctifs introduisaient de nouvelles vulnérabilités.Officiellement, Adobe ne soutient plus la technologie, affirmant embrasser sans réserve le standard HTML5 qui a été adopté pour unifier la diffusion de contenus vidéo sur le Net, et contribuer son expertise acquise avec Flash au consortium qui le développe. Cela n’aura sans doute pas été facile pour cette entreprise de renoncer à une technologie qui était devenue une norme mondiale de facto et avait rendu possible l’épanouissement de l’audiovisuel sur le web, avec YouTube, les animations tous azimuts, les jeux ne nécessitant pas d’installation, les bandeaux animés… Pour faire en sorte qu’elle reste dominante, Adobe aurait dû, très tôt, la mettre en Open Source.
Sans doute HTML5 va-t-il donc enfin finir par s’imposer. Il s’agit d’un standard « enveloppe » qui fait coexister trois formats vidéo différents. Le standard est encore appelé à évoluer, ce qui peut impliquer des désagréments occasionnels. Mais au moins ne s’agit-il pas d’une technologie propriétaire. Cette fois-ci devrait donc être la bonne. Dès janvier 2015, quand YouTube avait annoncé tourner la page du plug-in exécré, le Guardian avait estimé pouvoir publier sa nécrologie (« Flash.Must.Die »), exhibant d’étonnantes animations flash créées par des amateurs il y a dix ou quinze ans, lorsque Flash dominait le web sans partage, avec leurs dessins grossiers et leurs animations approximatives, mais devenues culte.