Nous retournerons aux urnes durant la première moitié de l’année 2015. Non pour élire de nouveaux maires (2017), ni pour élire un nouveau gouvernement (2018) ou des parlementaires européens (2019). Même pas pour adopter la nouvelle consitution par référendum (prévu en 2016). Mais pour répondre, aussi par référendum, à quatre questions thématiques : « la participation des jeunes dès l’âge de seize ans au processus politique », « la limitation dans le temps des mandats ministériels », « le financement des ministres des cultes » et « les droits politiques des concitoyens non luxembourgeois ». Voilà la formulation inscrite dans l’accord de coalition entre le DP, le LSAP et les Verts de 2013, et les trois partis affichent leur détermination à s’y tenir. Or, si personne ne semble contester les trois premiers sujets proposés, trop anecdotiques ou trop évidents, c’est le quatrième, le droit de vote des non-Luxembourgeois, qui fait débat. Et ce débat, cette dissension sur le sujet traverse toute la société, jusqu’au sein même des partis. Alors que seul l’ADR ose afficher son rejet radical du principe, aucun autre parti ne prône ouvertement qu’il veut exclure 44 pour cent des résidents du droit de vote. Mais le CSV, fidèle à son programme électoral de 2013, préférerait que les étrangers optent pour la nationalité luxembourgeoise afin de s’intégrer. Et pour faciliter cette intégration, le parti propose même de revoir la loi sur la nationalité et d’abaisser un certain nombre de conditions, notamment celle de la résidence que son propre ministre de la Justice avait augmentée de cinq à sept ans en 2008.
Sans le CSV, pas de majorité des trois quarts au Parlement, pourtant nécessaire pour une modification de la Constitution, la coalition ne disposant que d’une petite majorité de deux voix. La stratégie est donc d’augmenter la pression sur le CSV afin de le faire bouger – ou de le forcer à accepter le résultat d’un référendum. Le DP, le LSAP et les Verts sont bien conscients qu’ils affrontent un exercice d’équilibriste très délicat. Car les sondages successifs réalisés par TNS-Ilres prouvent que l’adhésion de la population à une ouverture démocratique aux non-Luxembourgeois fond comme neige au soleil : en décembre 2013, 39 pour cent des électeurs étaient encore pour, contre 59 pour cent en été 2012 (l’adhésion est beaucoup plus large dans l’ensemble de la population). Un non au référendum sur cette question serait-il pour autant un désaveu de la majorité ? Probablement. En tout cas, un non bloquerait toute avancée sur la question, alors que la pression de l’alliance de la Chambre de commerce (pour les patrons d’entreprise étrangers), et de l’Asti (pour les travailleurs immigrés), demandant une plus grande participation citoyenne de leurs membres augmente.
Les partis discutent désormais surtout de l’opportunité de tenir un tel référendum, et plus vraiment du droit de vote des étrangers. Comment poser précisément la question pour que les électeurs n’en fassent pas un vote-sanction, comme lors du référendum sur la Constitution européenne en 2005 ? Ce que l’on sait, c’est qu’il ne s’agira que du droit de vote actif (les étrangers ne pourront pas être élus députés), mais sous quelles conditions, de résidence par exemple ? Et quels étrangers ? Européens ou tous ? La crainte d’une division de la population et d’une augmentation de la xénophobie durant les débats, dont mettait toujours en garde Jean-Claude Juncker (CSV), traverse désormais aussi les syndicats (l’OGBL a du mal à se fixer sur une position) et les associations de défense des étrangers, notamment le Clae. La peur est telle que le Premier ministre Xavier Bettel (DP) avait laissé entendre, il y a trois mois, que si les partis pouvaient trouver un consensus au Parlement, un référendum ne serait peut-être pas nécessaire. Le DP ne s’est d’ailleurs jamais clairement positionné sur le droit de vote des non-Luxembourgeois. C’est Etienne Schneider, le vice-Premier ministre (LSAP), qui avait lancé le sujet début 2013, prenant tout le monde de court. Il en reste le principal défenseur.
En ouvrant les législatives aux étrangers, le grand-duché serait un des précurseurs non seulement en Europe, mais dans le monde. Ce serait une occasion de faire preuve de progressisme dans le partage des responsabilités politiques. Or, aussi bien les sondages que les expériences aux communales et aux européennes prouvent que l’intérêt des étrangers d’aller voter est minime (peu d’inscriptions sur les listes), que le taux d’abstention serait élevé et que ceux qui se déplacent votent plus ou moins pareil que les autochtones. Que craint le CSV ?