Des fleurs, rien que des fleurs. Il y en a de toutes sortes. À la galerie Valerius, sont à voir non seulement les différentes variétés botaniques, mais également l’expression toute aussi variée des artistes qui ont répondu présents (certaines créations le sont pour l’occasion) à cette idée colorée pour égayer le mois le plus triste de l’année, janvier (et il faut se méfier de février). Ils sont 23.
Un mur claque en jaune, c’est tout le contraire du gris sur gris météorologique. Ensoleillé, ou pollinisé, comme on voudra. Facile diront certains ! Oui, il y a des dessins « presque » comme les feraient les enfants. Presque… Ils sont de Martin Paaskeesen (Salt of the Earth (1), (2), (3)). Mais sur le mur jaune, que l’on appellera le mur collectif, composé en bouquets, on retrouve l’art de Paaskeesen de travailler le support, (la toile grège brut) et son art de résumer une situation en quelques traits et avec humour : le vase est une cannette dessinée en quelques lignes blanches, il n’en sort que des tiges vertes sans corolles, le tout additionné d’un ballon de basket (réputé ultra-dur) dégonflé, orange.
Quatre formes élémentaires. On continue avec un exercice du même type. Henry Chapman travaille la tête d’une fleur comme les palles d’une éolienne. On croirait les voir se mettre à tourner autour de quatre mots (ici les couleurs du tableau). Brown, white violet green (acrylique et encre sur toile) est à lire dans le sens de la rose des vents. C’est aussi à Chapman qu’est emprunté le titre de l’expo She loves me not. Ou « loves she me not ? » ou « not she loves me ? » C’est un poème abstrait, comme sa peinture.
Chaque artiste affiche son expression propre, mais on peut, pour faciliter l’approche de ce joyeux mélange de styles, classer les tableaux en catégories. Parmi les « naïfs », nous nommerons Viki Berg et ses fleurs tissées en acrylique comme un échantillon de moquette à motif floral. Mais nous voilà déjà à glisser vers une autre catégorie : la sculpture. L’artiste présente une fleur en 3D. Ironie que cette moquette synthétique, à une époque honnie pour le plastique et où, hélas, les espèces sont en voie de disparition.
Sculpture également avec Stefan Rink, dont on a pu voir un ensemble dans l’espace public lors de la dernière édition de l’Art Week. Pour l’exposition, il a extrait Carnivoro spécialement d’un bloc de granit vert. Il est associé dans la galerie à une esquisse préparatoire, Native Death, à l’encre de Chine sur papier, plus ancienne (2018). Mais revenons au joyeux langage des fleurs. De David Hanes, on verra deux œuvres hommage aux tournesols de Van Gogh, ainsi qu’un autre de Jean-Marie Biwer (le Luxembourgeois a récemment exposé à la galerie), ainsi qu’une rose en bouton.
Si classification il y a, nous voici plutôt dans le style classique, alors que Monique Becker (huile sur toile), si on veut voir une rose dans la grande toile qu’elle présente, est à l’opposé, abstraite ou… enfantine. La Rose. Delphine Denereaz, créatrice du « Café Delphine » à l’Art Week, en présente une tissée en lirette sur grille plastique. On pense aux tissages que l’on faisait enfant à l’école mais en plus sophistiqué. Et on avoue être moins à l’aise avec les sortes d’ex-voto de Delphine Denereaz qu’avec Jorge Galindo. On appellera cette catégorie tout simplement puissante : cela claque, cela tache, c’est de la peinture physique (Porto Drawings 72, 75, huile sur papier.) Cette puissance de l’Espagnol n’est sans douter pas pour rien dans les expositions qu’il a présentées à New York avec Julian Schnabel et Pedro Almodovar en 2021. Si ce n’était pas un stéréotype, on dirait qu’il a quelque chose d’un toréador qui se bat dans l’arène de la peinture.
À l’opposé, la manière ultra-classique de Siro Lugusi renoue avec la représentation de siècles de peinture italienne : position centrale du vase, couleur rose passé chaude de la lumière du Sud, minutie du travail aux pinceaux que l’on imagine fins. On pourra en juger lors de l’exposition monographique que la galerie Valerius va bientôt lui consacrer.
Les « tableaux aux vases » sont-ils un genre ? Un sujet récurrent dans la peinture, oui. Rare à voir en Europe, voici d’Anastasia Bay un Flower Pot (acrylique et soie sur toile). Le vase occupe toute la toile, avec les mains qui le tiennent. Comme si les unes et l’autre se confondaient. Est-ce cet art plusieurs fois millénaire que l’être humain a de façonner un récipient qui fascine en plus le talent de l’artiste ?
Égayer les journées grises : Forest Man II de Cesc Abad, est tout d’humour avec son chapeau sapin, ses yeux fleurs, ses oreilles branches. Pourquoi ne pas imaginer que cette pièce en terre cuite émaillée accueille un bouquet à la manière des tulipiers hollandais ? André Wend-land nous offre la séquence romantique du bouquet à offrir Romantic Streak (huile sur toile) et Mike Okay le dit en toutes lettres : « Never comme home empty handed » (acrylique et crayons de couleur sur toile quadrillée).