Retour sur la deuxième signature de l'année 2007 du label basé au Luxembourg, Own Records. Une fois de plus, leur choix s'est porté sur un projet qui a traversé l'Atlantique, à savoir Six Twilights, pseudonyme cachant un certain Aaron Gerber, qui officie aussi dans une formation indie folk nommée A Weather, basée à Portland. Projet intrigant que ce Six Twilights, puisqu'en dépliant la pochette, on découvre outre le CD, un DVD… Mazette, un véritable objet multimédia! Tout semble indiquer une démarche pour le moins ambitieuse. Premier indice : la photo ornant la pochette au flou esthétisant et aux couleurs sépia (excessivement arty, mais superbe au demeurant !) devrait nous mettre sur la voie. Car ce flou introductif trouve son prolongement dans la musique et les images proposées, véritables invitations à la dérive des sens. Presque tout ce qui pourrait ressembler à un assemblage logique est soigneusement (de manière maniaque ?) évité. Compositions étirées, structures hasardeuses, ambiances cotonneuses pour la musique ; dilatation des plans (fixes pour la plupart) et de la durée, cadrage approximatif, flou des images et couleurs mal réglées pour l'aspect vidéo… À partir des bouts de compositions plus classiques, Gerber a réagencé ces fragments de chansons et traité digitalement ses arrangements en ne choisissant que parties éparses, qui sont éparpillées au gré de ces nouvelles pièces sonores. Seuls les chants doucereux présents (Liz Isenberg, Zoë Wright et lui-même) restent plus ou moins vierges de toute manipulation. On reconnaîtra tout de même dans ce travail intimiste sur la texture et l'atmosphère quelques notes de piano, des soufflements d'accordéon, voire quelques accords de guitare acoustique. Cette démarche et les ambiances dégagées ne sont pas sans rappeler Fennesz, Marcus Pop, voire Hood, Mùm ou Sigùr Ros dans une certaine mesure. Toutefois, Six Twilights ne parvient pas à se hisser à la hauteur de ces référents, la faute à des morceaux, qui pour la plupart, s'engluent dans un surplace tout en longueurs et trop contemplativement suffisant pour entraîner à la rêverie (on pencherait plutôt du côté de l'ennui, voire de la crispation…). Ce statisme coupable est pourtant évité à quelques reprises et c'est là que ce projet parvient à prendre de la hauteur. Ainsi, le morceau qui ouvre et clôt l'album, Still talk, dans une version désarticulée en introduction et plus classique en conclusion, illustre de belle manière la démarche du gaillard, dommage que le reste ne suive pas. D'autre part, le très beau Tonight I'm letting your drive nous enveloppe d'une apesanteur mélancolique toute délicieuse. Morceau folk, des plus classiques par sa facture, I can't even begin to tell you nous montre l'autre visage d'Adam Gerber, celle d'un folkeux à fleur de peau et émouvant. Plus loin, Scarf, bed, bourdonnement évasif aux voix vaporeuses, parvient réellement à susciter lancinements et rêveries chez l'auditeur. Jusqu'à présent, Own Records avait réussi le pari de maintenir une image forte et cohérente tout en se renouvelant à chaque nouvelle sortie. Ici, dans un registre assez similaire, le label disposait déjà de l'autrement plus convaincant Bexar Bexar, sorti en début d'année. Que vient faire alors ce finalement moyen Six Twilights dans leur ménagerie ? Rappelons que comme beaucoup de petites et moyennes structures, Own Records fonctionne au coup de cœur. Et, comme dirait l'autre, le cœur a ses raisons que la raison ignore !