Enfin! Annoncé et attendu depuis plus d'un an, Fraiseman, le nouvel album de Torpid est disponible. En effet, cet album a été enregistré par Monsieur Steve Albini, responsable du son générique de tout un pan de la scène US indépendante depuis presque vingt ans, dans son fief chicagoan, le studio Electrical Audio et mastérisé aux mythiques studios d'Abbey Road. Depuis beaucoup d'eau a coulé sous les ponts et ce courant ainsi qu'une expatriation bruxelloise ont poussé Torpid, pourtant l'une des formations les plus aguerries et connues du pays, dans les couloirs d'un oubli plus ou moins volontaire! C'est donc dans un relatif anonymat que sort ce Fraiseman, pourtant encore attendu par une poignée d'acharnés. Dès les premières mesures, on sent que l'on a affaire à du pur Torpid, qui puise encore et toujours ses influences chez Jesus Lizard, Girls Against Boys, Fugazi, Shellac (le groupe de Steve Albini), voire Pavement. Le passage chez Albini, reconnu pour faire sonner la musique sans fioritures et telle qu'elle est jouée par les formations de passage, donne évidemment à Torpid le son dont ils rêvaient depuis longtemps. Avec ici donc, une batterie bien présente, des guitares stridentes qui crissent, une basse lourde et hypnotique tandis que le chant n'est surtout pas mixé à l'avant. Toutefois, le degré de cohésion du groupe semble encore s'être amélioré. Cette sixième réalisation apporte tout de même son lot de changement depuis le précédent Bulkhaul. En effet, Fraiseman ne contient pas de refrain évident et accrocheur, on privilégie l'énergie et un sens de la composition qui tord le cou à cette évidence antérieure. Dès Fluffy bite, on éteint la lumière après une première partie assez légère et on se retrouve dans des petites ruelles glauques et interlopes, le poing serré face à un rock noisy et poisseux où le chant de Gilli Milligan se fait des plus viscéraux, offrant une version moderne d'un blues urbain proche des vociférations d'un David Yow des feu Jesus Lizard, comme d'ailleurs sur Floos aux accents très reptiliens. Ce ton malsain et larvé est d'ailleurs présent tout au long de l'album. Mais le deuxième morceau, le très efficace Zuman hu aux breaks époustouflants, on retrouve le Torpid aimant la jouer ultra-énergique avec ses instruments et ses structures. La basse lancinante et hypnotique de Pol Krier anime les débats et maintient le cap sur Whizz bizz, avant que Milligan ne déboule, la rage au ventre et les guitares acérées, puis calme le jeu avant de mieux vrombir en plein chorus. Le plus anecdotique Mucker fait pâle figure à côté des quatre morceaux et ne convainc qu'à moitié, malgré une partie centrale assez accrocheuse. L'Interlude i est une fresque noise et free. Puis c'est au tour de Jee jee de se faire lacérer par des guitares tranchantes et une basse qui vous rogne le sol sous les pieds, tandis que la batterie cogne inexorablement dans le plexus. Mais le réel plat de résistance est l'épique Btaw. Rappelant à notre bon souvenir le meilleur du post rock version Midwest US tel Mineral ou Shipping News, ce morceau, tout en retenue, au timing infaillible sachant quand retenir la bride ou quand la lâcher, se loge insidieusement dans le fonds de l'oreille interne et les dix minutes de ce morceau, faits de ruptures, ne font bailler à aucun instant. L'album se clôt sur l'Interlude ii, autre noiserie libre. Ce Fraiseman est un grand album malade et nauséeux de Torpid. À double tranchant, il pourrait néanmoins enfoncer le groupe encore plus dans un semi-anonymat complaisant s'il continue à tourner aussi peu, lui refusant une audience plus grande que le cercle, de plus en plus restreint, de convertis. Dommage, car Torpid reste, malgré tout, une des formations des plus personnelles du pays! Ils viennent de le prouver une nouvelle fois.
Pour plus d'informations, aller sur www.tropidland.com ou sur www.myspace.com/torpidland