Son travail ? « Il y a toujours quelque chose de monomaniaque dans ce que je fais, » estime Elodie Huet. La jeune artiste française vient de débarquer au Luxembourg, pour une résidence de huit semaines au Casino, qui se terminera par une exposition dans l’aquarium. Après Hong-Kai Wang (voir ci-contre) et Francisco Camacho en 2010, elle est la troisième artiste à participer à ce programme de résidences du Forum d’art contemporain, choisie par un jury parmi 460 candidatures. Son œuvre donc, qu’elle a commencé il y a une dizaine d’années, est composé d’images qui n’en sont pas vraiment. Elle les décompose, brouille les pistes, en scannant les pièces d’un puzzle par exemple, ce qui le rend à la fois bidimensionnel et illisible. Ou en montant un mur avec des flyers récupérés, qui deviennent ainsi tridimensionnels par leur accumulation, classés par couleurs...
Et voilà le côté « monomaniaque » de son travail : Elodie Huet aime bien classer, trier, ranger par taille et par couleurs. Comme cette incroyable série de monochromes Permanent vacation, des tableaux de 1mètre20 sur 80 centimètres composés de centaines de milliers de ...confettis ! Celui qui a déjà essayé de nettoyer des confettis d’une moquette après un bal de carnaval imagine aisément le travail de fourmi : une fois les confettis idéaux par leur qualité et la variété de couleurs trouvés (après six mois d’enquête intensive sur la question), il faut les trier un à un, puis, tout aussi patiemment, les coller... Elodie Huet a réalisé sept de ces grands formats jusqu’à présent, le fournisseur offre quarante couleurs différentes dans sa palette. « L’humour n’est jamais absent de ces œuvres à la fois simples, longues à produire, fastidieuses à réaliser et troublantes, » avait écrit Michel Nuridsany dans un de ses catalogues d’exposition. On pense à l’humoriste suisse Ursus Wehrli et son action Kunst aufräumen, dans laquelle il s’est affairé à ranger les tableaux des grands maîtres par éléments de même forme ou de même couleur.
Au Casino, Elodie Huet a fait de sa résidence le thème de sa recherche, essayant de capter et de faire partager ces sentiments particuliers d’abandonner son cadre de vie habituel, ses amis et son atelier, pour découvrir un nouveau lieu, tous sens en éveil, d’être un peu perdu dans ce milieu inconnu, de chercher des repères, des contacts... « J’aime bien des espaces de transitions, » dit-elle, le lieu de l’aquarium, cette grande vitrine qui sépare l’intérieur et l’extérieur, un milieu protégé comme celui de l’art contemporain et la vie quotidienne des passants sur un grand axe routier de la ville, l’attirait. Elle y installera son atelier durant toute sa résidence et y produira des images qu’elle aura captées lors de ses pérégrinations en ville, des images qui seront imprimées sur des cartes postales, réalisées au fur et à mesure, trois, quatre ou cinq séries par semaine tirées à 3 000 exemplaires et distribuées aussi bien au public luxembourgeois, qui pourra passer lui parler ou voir son travail, et en emporter, qu’à ses amis et proches à Paris et aux professionnels du monde de l’art, « dans l’idée de dispersion de l’œuvre » dit-elle. Sa résidence sera donc en même temps un work in progress, où l’exposition se monte et se démonte en même temps, avec une approche généreuse et un sens du partage comme a pu en avoir Felix Gonzalez-Torres et ses installations de bonbons à emporter.