Il trône au-dessus de tout, Arsène. Cet affût perché, comme on les connaît de nos forêts où ils servent aux chasseurs pour surveiller le gibier, œuvre de l’artiste Max Mertens, est la pièce centrale de l’exposition Open Season, actuellement à l’Espace Monterey de la BGL BNP Paribas. Instiguée par le Cercle artistique du Luxembourg (Cal), sur invitation de la banque, cette exposition de groupe est la première d’une série de trois qui visent à prouver l’ouverture aussi bien du Cal à de nouveaux membres – tous les artistes ne sont pas forcément membres du cercle – que de la banque sur l’extérieur. Or, petit hic : pour la visiter, on ne peut plus entrer directement par la rue Notre-Dame, mais on doit obligatoirement passer par l’agence de la banque, ce qui risque de dissuader plus d’un visiteur lambda (qui n’aura pas assisté au vernissage). Une fois arrivé dans la salle déserte un jour normal, on constate que la société a récupéré l’espace pour des formations ou conférences internes, des tables et des chaises restent là, comme oubliées, sans égard particulier à l’art.
Tout cela, plus l’activité du cœur dela place bancaire boulevard Roosevelt, Arsène l’observe de haut – et on ne peut que regretter qu’il ne soit pas accessible, que le visiteur ne puisse pas monter et observer à son tour la faune et la flore environnantes (comme l’avait proposé jadis Bert Theis avec son Hochsitz installé sur des foires d’art contemporain). Or, Max Mertens n’a pas construit un mirador banal, mais une sorte de version bourgeoise de cette installation, avec un lustre bling-bling à l’intérieur, comme pour l’adapter à ce milieu naturel.
Toutefois, les matériaux en soi sont des matériaux pauvres, bois bruts, de construction ou de récupération – c’est le dénominateur commun des trois artistes réunis dans Open Season 1 : Dani Neumann a réalisé des formats monumentaux de gravures sur bois imprimées sur toile de jute – ses grands aplats de couleurs vives, avec un langage formel à la frontière de l’abstraction sont d’ailleurs une touche de couleur bienvenue dans cet espace dominé par le gris et le bleu – et les eaux fortes de Marianne Steichen sont soumises à l’aléatoire par le fait qu’elles sont réalisées sur des plaques en tôle récupérées, qui portent les traces du temps et de leur utilisation antérieure. « Je suis persuadé que les questions formelles sont ce qui domine l’art luxembourgeois, explique le commissaire de la série d’expositions Christian Mosar. D’ailleurs, je crois que c’est même son problème. » Open Season a le grand mérite d’offrir une plate-forme à l’expression des artistes autoch-tones, qui en manquent dans le réseau officiel, et de discourir sur de telles questions essentielles. La prochaine exposition de la série traitera de l’accumulation.