Blagues sur Twitter

One silly tweet

d'Lëtzebuerger Land du 20.05.2010

Les posts publiés sur Twitter ne sont pas que d’innoncents gazouillis sans conséquence, comme l’a appris à ses dépens un imprudent Anglais âgé de 26 ans, Paul Chambers, employé d’un concessionnaire automobile. En janvier dernier, imaginant que d’importantes chutes de neige risquaient d’entraîner l’annula-tion d’un vol qu’il comptait emprunter à partir de l’aéroport de Doncaster, dans le nord de l’Angleterre, une semaine plus tard, il se défoulait sur Twitter pour amuser ses amis en publiant le texte suivant : « Zut ! L’aéroport Robin Hood est fermé. Vous avez à peine plus d’une semaine pour régler tout ça, sinon je fais exploser l’aéroport ! »

Mal lui en a pris. Un employé de l’aéroport remarqua le tweet quelques jours plus tard. Le service de sécurité jugea qu’il ne s’agissait pas d’une menace sérieuse, mais le transféra néan-moins à la police. Une semaine plus tard, deux jours avant la date prévue de son départ, Paul Chambers allait voir apparaître quatre policiers sur son lieu de travail. Au début, racontera-t-il par la suite, il a cru qu’un accident était survenu à un membre de sa famille. Ce n’est qu’en voyant un papier sur lequel son tweet avait été imprimé, brandi par un des policiers, qu’il commença à comprendre ce qui lui arrivait. Invoquant le Terrorism Act, faisant valoir que son tweet constituait une menace pour la sécurité, les représentants de l’ordre l’interpellèrent, l’emmenèrent au poste et l’interrogèrent durant le restant de la journée. Son iPhone, son laptop et un disque dur furent ensuite confisqués lors d’une perquisition à son domicile. Libéré sous caution, il fut suspendu à son travail en attendant les résultats d’une investigation interne. Un mois plus tard, il fut accusé d’avoir contrevenu au Communications Act en envoyant un message menaçant. Il plaida non coupable mais fut condamné à mille livres d’amende et aux dépens, aux-quels s’ajoutent ses propres frais d’avocat s’élevant à mille livres.

Aujourd’hui, Paul Chambers envi-sage de faire appel, mais n’en a pas les moyens parce qu’il a perdu son emploi à la suite de cette affaire, expliquait-il il y a quelques jours dans un article publié par le quo-tidien The Guardian. Il aurait aussi été banni à vie de l’aéroport de Doncaster. La police a effacé de sa page Twitter le message fatidique.

D’après l’Independent, Paul Chambers est la première personne arrêtée au Royaume-Uni à la suite d’un commentaire publié sur Twitter (alors que cela s’est déjà produit aux États-Unis). On est évidemment tenté de pointer l’absence d’humour des policiers qui ont poursuivi Paul Chambers. On peut aussi leur reprocher d’avoir interprété de manière abusive le caractère public de Twitter : certes, tout internaute avait accès à son commentaire, mais en réalité, la grande majorité des adeptes de Twitter se contentent de suivre les gazouillis de leurs amis, y ajoutant pour certains d’entre eux les fils maintenus par des vedettes. En réalité, il faut bien reconnaître que Paul Chambers ne peut s’en prendre qu’à lui-même : depuis le 11 septembre 2001, les blagues proférées dans le monde occidental pour suggérer que l’on va faire exploser quelque objet ou bâtiment que ce soit n’ont plus la moindre chance d’être interprétées comme des blagues. S’il est impossible de donner raison aux policiers et aux juges de Doncaster, qui ont recouru à des sanctions disproportionnées contre l’adepte du réseau de micro-blogging, il n’en reste pas moins vrai que ce pauvre Paul Chambers était vraiment très mal inspiré le jour où il a publié ces quelques mots sur Twitter. Il se dit aujourd’hui « terrifié » – on le serait à moins – et remercie ceux qui, choqués par le piétinement des libertés civiles dont témoigne le traitement qui lui a été infligé, lui ont témoigné de la sympathie ou offert un soutien financier.

Sur Twitter, certains ont estimé que la meilleure façon de soutenir Paul Chambers était de republier le message suivant : « Ce jugement absurde est suffisant pour me donner envie de faire exploser l’aéroport Robin Hood ».

Jean Lasar
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