La charge menée ces derniers temps par Steve Jobs, le patron d’Apple, contre la technologie Flash d’Adobe, utilisée notamment sur le web pour visionner des vidéos, est en passe d’enrôler d’autres acteurs et de déclencher une révolte. Flash est une technologie omniprésente sur le Net. Elle sert par exemple à présenter des films sur YouTube, DailyMotion ou Vimeo, mais elle est aussi mise en œuvre pour une multitude d’autres applications, bandeaux, animations, diaporamas, jeux etc. Les critiques à l’égard de Flash ne datent pas d’hier. Les concepteurs de navigateurs lui reprochent d’être un plug-in, c’est-à-dire une application ajoutée au navigateur, qui oblige l’internaute à l’intégrer ou du moins à l’actualiser lui-même, de fonctionner assez mal, de consommer beaucoup trop de ressources de calcul et enfin de présenter d’im-portantes failles de sécurité. Il y a aussi pour ceux qui éditent les navigateurs le coût de la licence due à Adobe. Flash serait présent sur 90 pour cent des ordinateurs branchés sur le Net.
Dans cette bagarre, à l’enjeu considérable puisqu’il s’agit ni plus ni moins que de gérer les vidéos présentes sur le web, les yeux se tournent vers la norme qui va remplacer l’actuelle version du langage de programmation des pages web, le HTML. Sa nouvelle version, HTML5, se propose notamment de réduire la nécessité de recourir aux plug-ins et autres technologies extérieures, afin de remédier entre autres aux défauts connus de Flash. Dans HTML5, qui est censé être adopté comme norme d’ici un ou deux ans, les vidéos sont in-sérées directement dans les pages web à l’aide de « tags », et peuvent être visionnées sans recours à Flash. La semaine dernière, l’annonce par Microsoft que son nouveau navigateur supportera HTML5 a constitué un bouleversement, puisque Inter-net Explorer se distinguait jusqu’à présent par un mépris conséquent à l’égard des normes développées au fil des ans par le consortium W3C. Malgré l’érosion qu’il a connu, Inter-net Explorer reste le premier navigateur utilisé sur le Net.
Un autre signe que la suprématie de Flash est remise en cause est la mise en ligne par YouTube, propriété de Google, d’une version beta de son site qui suit les recommandations de HTML5 et fonc-tionne donc sans Flash. Ce site est limité pour l’instant à deux navigateurs et à une partie des clips de YouTube, et il nécessite une inscription. Mais sa simple existence, alors que tout le succès de YouTube repose sur la mise en œuvre à une échelle massive de la technologie d’Adobe, témoigne de l’ampleur des changements qui se préparent.
Des changements assurément encouragés par l’attitude très dé-terminée d’Apple, qui a choisi d’ignorer Flash sur deux innovations-phare de ces dernières années, l’iPhone et l’iPad. Apparemment, Steve Jobs est bien décidé à utiliser l’essor de ces deux appareils pour continuer d’attaquer le monopole d’Adobe. La décision de Microsoft d’embrasser HTML5 dans Internet Explorer 9, attendu d’ici la fin de l’année ou au début de 2011, apporte de l’eau à son moulin.
HTML5 permet d’insérer des vidéos dans les pages web, mais ne dispense pas le navigateur de faire appel à un logiciel de décodage du fichier vidéo, le « codec ». Si l’on veut remplacer Flash, il faut aussi s’entendre sur le codec à utiliser. Deux écoles s’affrontent : les adeptes de l’Open Source défendent Ogg Theora, qui est dotée d’une licence ouverte et n’occasionne donc pas de frais d’acquisition. C’est le cas de Firefox et d’Opera. Une autre technologie propriétaire, H.264, a les faveurs d’autres navigateurs, dont Internet Explorer. Faute d’accord, il faudrait que les pages web encodent les vidéos en utilisant les deux codecs, ce qui par rapport à l’hégémonie actuelle de Flash serait ressenti par beaucoup comme un pas en arrière. Et dans ce cas, il serait encore plus simple de s’en tenir à Flash, qui supporte la norme H.264. En tout cas, les grandes manœuvres sont en cours où chacun espère être du côté gagnant, celui qui proposera de visionner les clips vidéo sans complication, y compris sur les appareils mobiles.